Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 29 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Salah X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler, sans renvoi, l'arrêt du 5 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 9 novembre 1998 du tribunal administratif de Paris qui a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 5 janvier 1995 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 29 février 1988 ;
2°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) de condamner l'Etat à verser à la SCP Bachelier-Potier de la Varde la somme de 1 000 euros par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Paris, qui avait annulé pour excès de pouvoir le refus opposé à M. X, le 5 janvier 1995, par le ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 29 février 1988, la cour a estimé, contrairement aux premiers juges, que ce refus n'avait pas porté une atteinte illégale au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en omettant de statuer sur l'ensemble des autres moyens soulevés par M. X devant les premiers juges dont elle était saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour administrative d'appel a statué irrégulièrement ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
Considérant que le tribunal administratif de Paris a rejeté, par un jugement du 5 novembre 1992, la requête présentée par M. X aux fins d'annulation de l'arrêté d'expulsion du 29 février 1988 ; que ce jugement n'ayant pas été frappé d'appel, l'arrêté d'expulsion est devenu définitif et que, dès lors, M. X n'est pas recevable à invoquer l'illégalité de cette décision individuelle à l'appui de ses conclusions tendant au refus de l'abroger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est rendu coupable d'infractions répétées et de gravité croissante ; qu'il a notamment été condamné en 1987 par la cour d'appel de Paris pour proxénétisme aggravé, violences volontaires avec ou sous la menace d'une arme et coups et violences volontaires sur avocat ou officier public ; que, si à la date de la décision attaquée, M. X, séparé de son épouse, était père d'un enfant de nationalité française, le refus d'abroger la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature, au nombre et à la gravité des faits délictueux dont il était l'auteur, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été décidé ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant que l'arrêté d'expulsion dont l'abrogation a été refusée par le ministre ne fixe pas le pays de destination ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré des risques qui seraient encourus par M. X en cas de retour dans son pays d'origine, doit être écarté ;
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que la pathologie alléguée par le requérant et la gravité de son état de santé seraient telles qu'il lui serait impossible de suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ou tout autre pays de son choix ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 5 janvier 1995 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion du 29 février 1988 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SCP Bachelier-Potier de la Varde la somme qu'elle demande à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 juin 2001 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 novembre 1998 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. X devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la SCP Bachelier-Potier de la Varde tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Salah X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.