Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 1996 et 12 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SOGEVIANDES, dont le siège est ... ; la SOCIETE SOGEVIANDES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 septembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture (OFIVAL), annulé le jugement du 23 juin 1993 du tribunal administratif de Paris et a rejeté la demande présentée par elle devant le tribunal tendant à l'annulation du titre de recettes émis à son encontre par l'OFIVAL et rendu exécutoire le 7 décembre 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 2730/79 de la commission du 29 novembre 1979 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Logak, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE SOGEVIANDES, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'Office national interprofessionnel des viandes de l'élevage et de l'aviculture et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société Sovico,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE SOGEVIANDES a exporté en 1986 environ 105 tonnes de viande bovine destinées à l'Afrique du Sud ; qu'elle a bénéficié, après avoir produit des certificats de dédouanement établis par les services des douanes de ce pays, de restitutions à l'exportation en application du règlement CEE n° 2730/79 du 29 novembre 1979, pour un montant de 1 312 141,85 F ; que l'Office national interprofessionnel des viandes de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) a notifié à la SOCIETE SOGEVIANDES, le 7 décembre 1990, un état exécutoire destiné à obtenir le reversement des sommes perçues ; que, par un jugement du 23 juin 1993, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de recettes émis à l'encontre de la société ; que, saisie par l'OFIVAL, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du règlement CEE n° 2730/79 du 29 novembre 1979 : Le paiement de la restitution est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire géographique de la communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé : a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit / (...) les services compétents des Etats membres peuvent exiger des preuves supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis en l'état, sur le marché du pays tiers d'importation ; qu'aux termes de l'article 20 du même règlement : 1. Dans le cas de la différenciation du taux de la restitution selon la destination, le paiement de la restitution pour les exportations vers les pays tiers est subordonné (...) à la condition que le produit ait été importé dans le pays tiers (...) 2. Le produit est considéré comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies. 3. La preuve de l'accomplissement de ces formalités est apportée : a) par la production du document douanier ou de sa copie (...) ; b) ou par la production du certificat de dédouanement établi sur un formulaire conforme au modèle figurant à l'annexe II (...). 4. Toutefois, si aucun des documents visés au paragraphe 3 ne peut être produit par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'exportateur ou s'ils sont considérés comme insuffisants, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation peut être considérée comme apportée par la production de l'un ou plusieurs des documents suivants : a) copie du document de déchargement émis ou visé dans le pays tiers (...) ; b) attestation de déchargement délivrée par les services officiels d'un des Etats membres établis dans le pays de destination ; c) attestation de déchargement établie par des sociétés spécialisées sur le plan international en matière de contrôle et de surveillance et agréés par l'Etat membre où les formalités douanières d'exportation ont été accomplies (...) ;
Considérant qu'il résulte clairement des dispositions précitées des articles 10 et 20 du règlement CEE n° 2730/79 du 29 novembre 1979, telles que la Cour de justice des communautés européennes les a interprétées, notamment par son arrêt en date du 31 mars 1993, que si le produit est regardé comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies, il appartient à la société exportatrice d'établir la preuve de l'accès effectif des produits au marché du pays de destination en produisant l'un des documents visés au 3° de l'article 20, qui peut être notamment un certificat de dédouanement, ou, si ces documents sont regardés comme insuffisants, les documents mentionnés au 4° du même article ; qu'ainsi, en jugeant que l'importation dans un pays tiers ne peut être considérée comme ayant été prouvée si des doutes motivés sont apparus quant à l'accès effectif au marché du pays de destination de la marchandise indiquée dans le certificat de dédouanement mentionné à l'article 20 § 3 du règlement n° 2730/79, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, en jugeant que la SOCIETE SOGEVIANDES n'apporte aucun élément établissant que la viande bovine qu'elle a exportée aurait été commercialisée effectivement en République Sud africaine ;
Considérant qu'en jugeant que le droit à restitution dépendant des données objectives constituées par la commercialisation effective dans le pays de destination, la SOCIETE SOGEVIANDES ne peut utilement invoquer l'absence d'intention frauduleuse de sa part, la cour n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application du règlement CEE du 29 novembre 1979 ;
Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative puis, le cas échéant, au juge administratif d'apprécier si les mêmes faits sont établis ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 26 novembre 1993, devenu définitif à la suite de l'arrêt rendu le 19 septembre 1995 par la Cour de cassation, a confirmé la relaxe de la SOCIETE SOGEVIANDES et du dirigeant de cette société alors en exercice au motif que les faits dénoncés dans la poursuite engagée à leur encontre n'étaient pas établis ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée par le juge pénal en estimant quealors que l'authenticité des certificats de dédouanement n'est nullement contestée, l'enquête établie par les services douaniers français a permis d'établir que les viandes exportées en Afrique du Sud, avaient seulement transité par ce pays pour être réexportées vers le Zimbabwe ; qu'ainsi, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SOGEVIANDES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 septembre 1996 ;
Sur les conclusions de l'OFIVAL relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la SOCIETE SOGEVIANDES à verser à l'OFIVAL une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE SOGEVIANDES est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE SOGEVIANDES versera à l'OFIVAL une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SOGEVIANDES, à l'OFIVAL, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.