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19/02/2003 | FRANCE | N°243781

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 19 février 2003, 243781


Vu la requête enregistrée le 5 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES (CTIFL), dont le siège est ... ; le CTIFL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit aux conclusions de l'appel interjeté par la société International Fruit Agency, a, d'une part, annulé le jugement du 18 mars 1998 du tribunal administratif de Paris, d'autre part, déchargé cette société de la cotisation qui lui a ét

é réclamée, par un titre de perception établi le 27 octobre 1994, au t...

Vu la requête enregistrée le 5 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES (CTIFL), dont le siège est ... ; le CTIFL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit aux conclusions de l'appel interjeté par la société International Fruit Agency, a, d'une part, annulé le jugement du 18 mars 1998 du tribunal administratif de Paris, d'autre part, déchargé cette société de la cotisation qui lui a été réclamée, par un titre de perception établi le 27 octobre 1994, au titre de la taxe parafiscale instituée au profit du CTIFL ;

2°) statuant au fond, de rejeter les conclusions de la requête présentée par la société International Fruit Agency devant la cour administrative d'appel de Paris ;

3°) de condamner la société International Fruit Agency à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui, tant devant la cour que devant le Conseil d'Etat, et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;

Vu la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948 fixant le statut juridique des centres techniques industriels ;

Vu le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;

Vu le décret n° 93-836 du 9 juin 1993 instituant une taxe parafiscale au profit du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat du CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES (CTIFL),

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 27 octobre 1994, le responsable du recouvrement du CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES (CTIFL), agissant au nom et par délégation du directeur de ce centre, a émis à l'encontre de la société International Fruit Agency un titre de perception de la taxe parafiscale instituée par le décret du 9 juin 1993 et assortie de la majoration prévue à l'article 8 du décret du 30 octobre 1980, qui a été revêtu de la formule exécutoire ; que cette société, après avoir introduit une réclamation devant le directeur du CTIFL, a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande en décharge de la cotisation de taxe correspondante, que le tribunal a rejetée par un jugement du 18 mars 1998 ; que le CTIFL se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit aux conclusions de l'appel interjeté par la société, a, d'une part, annulé ce jugement, d'autre part, déchargé l'intéressée de la cotisation de taxe parafiscale litigieuse ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi du 22 juillet 1948 que le législateur a entendu confier aux centres techniques industriels qu'il instituait la charge de missions de service public, sans enlever pour autant à ces centres, au nombre desquels figure le CTIFL, le caractère d'organismes privés ; qu'alors même que ces personnes morales de droit privé peuvent être amenées, pour l'exécution du service qui leur est confié, à prendre des décisions ayant le caractère d'actes administratifs, les décisions ayant pour objet d'organiser, au sein de ces personnes, les délégations de compétence relatives à ces actes administratifs ne revêtent pas un tel caractère ; que, dès lors, aucune règle ni aucun principe ne subordonne la légalité de ces délégations à ce qu'un texte les ait expressément prévues ; qu'il suit de là qu'en jugeant, pour faire droit aux conclusions en décharge présentées par la société International Fruit Agency, que le titre de perception émis à l'encontre de celle-ci par le responsable du recouvrement de la taxe au sein du CTIFL, agissant pour le directeur de ce centre et par délégation, a été établi par une autorité incompétente, au seul motif qu'aucun texte ne prévoit la possibilité pour ce directeur de déléguer la compétence qu'il tient de l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 en matière d'établissement de titres de perception, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, le CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 22 juillet 1948 : Les centres techniques industriels sont administrés par un conseil d'administration qui délègue à un directeur nommé par lui, tous les pouvoirs nécessaires à la direction du centre (...) ; que l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 dispose : En cas de retard dans le paiement de la taxe (...), la taxe est majorée de 10 pour 100 au profit de l'organisme bénéficiaire (...)./ La taxe ainsi majorée est recouvrée par les comptables du Trésor en vertu d'un titre de perception qui est établi par le représentant qualifié de l'organisme bénéficiaire (...) et rendu exécutoire (...) ; que, s'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le directeur du CTIFL est compétent pour émettre, à l'encontre des redevables de la taxe instituée au profit de ce centre, les titres de perception prévus à l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 précité, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas même allégué qu'aucun texte interdise à l'intéressé d'habiliter, comme il l'a fait, le chef comptable du CTIFL à signer ces mêmes titres ; qu'il n'est pas davantage allégué qu'une autre personne que ce chef comptable aurait signé le titre de perception émis à l'encontre de la société International Fruit Agency ; que, par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la cotisation de taxe parafiscale dont elle demande la décharge lui a été réclamée par une autorité incompétente ;

Considérant, en deuxième lieu, que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement duquel il a été émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; qu'il résulte de l'instruction que, le 14 septembre 1994, le CTIFL a mis la société International Fruit Agency en demeure de régler la cotisation de taxe parafiscale dont elle était redevable au titre du deuxième trimestre de l'année 1994 ; que cette mise en demeure précisait les éléments déterminant la liquidation des droits correspondants ainsi que de la majoration prévue, en cas de défaut de paiement dans les quinze jours suivant la réception de cette mise en demeure, par l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 précité ; que, dès lors, la société International Fruit Agency n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception émis à son encontre ne serait pas suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, que le troisième alinéa de l'article 2-1 du décret du 9 juin 1993 dispose : La taxe est assise sur le montant hors taxe des achats (...) ; elle est liquidée par le vendeur qui la porte directement sur sa facture et en recouvre le montant auprès de l'acheteur (...) ; qu'aux termes de l'article 4-1 du même décret : Les personnes physiques ou morales qui effectuent des opérations de vente en gros sont tenues d'adresser au CTIFL dans le mois suivant chaque trimestre calendaire une déclaration d'un montant hors taxes de celles de leurs ventes qui sont soumises à la taxe (...) accompagnée du règlement de la taxe dont elles sont redevables au titre de ce trimestre ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que sont assujetties à la taxe parafiscale instituée au profit du CTIFL les personnes physiques ou morales qui effectuent des opérations de vente en gros des produits maraîchers entrant dans le champ d'application de cette taxe, ainsi que certains détaillants, d'autre part, qu'il appartient à ces grossistes et détaillants de facturer cette taxe et d'en recouvrer le montant à l'encontre des acheteurs des produits en cause ; que, dès lors, à la supposer établie, la circonstance que certains clients de la société International Fruit Agency aient refusé d'acquitter ce montant ne peut fonder la décharge de la taxe dont cette société est légalement redevable ; que la circonstance que le décret du 9 juin 1993 précité n'ait pas investi lesdits grossistes et détaillants de prérogatives de puissance publique destinées à faciliter le recouvrement de cette taxe à l'encontre de leurs clients est sans incidence sur ce point ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le moyen tiré par la société International Fruit Agency de ce que le décret du 9 juin 1993 n'ayant pas été précédé de la fourniture par le CTIFL à ses autorités de tutelle du compte-rendu d'activité prévu à l'article 4 du décret du 30 octobre 1980 précité, la cotisation de taxe parafiscale mise à sa charge serait mal fondée, manque en fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que la majoration de retard de 10% du produit de la taxe parafiscale prévue à l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 précité a pour seul objet de réparer le préjudice financier subi par le bénéficiaire de cette taxe en cas de défaut de paiement dans les délais légaux ; que, dès lors, les litiges relatifs à l'application de cette majoration ne figurent pas au nombre des contestations visées à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la société International Fruit Agency ne peut utilement soutenir que la majoration de taxe parafiscale qui lui a été appliquée méconnaîtrait les stipulations de cet article ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société International Fruit Agency devant la cour administrative d'appel de Paris ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société International Fruit Agency la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société International Fruit Agency à payer au CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES la somme de 3 000 euros que celui-ci demande, sur le fondement de ces mêmes dispositions, au titre des frais exposés par lui, tant devant les juges du fond que devant le Conseil d'Etat, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 31 janvier 2002 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de la société International Fruit Agency devant la cour administrative d'appel de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société International Fruit Agency paiera au CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LEGUMES, à la société International Fruit Agency et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 243781
Date de la décision : 19/02/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - ACTES À CARACTÈRE ADMINISTRATIF - ACTES NE PRÉSENTANT PAS CE CARACTÈRE - DÉCISIONS ORGANISANT LES DÉLÉGATIONS DE COMPÉTENCE RELATIVES AUX ACTES ADMINISTRATIFS PRISES PAR DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ CHARGÉES D'UN SERVICE PUBLIC [RJ1].

01-01-05-01-02 Il résulte des dispositions de la loi du 22 juillet 1948 que le législateur a entendu confier aux centres techniques industriels qu'il instituait la charge de missions de service public, sans enlever pour autant à ces centres leur caractère d'organismes privés. Alors même que ces personnes morales de droit privé peuvent être amenées, pour l'exécution du service qui leur est confié, à prendre des décisions ayant le caractère d'actes administratifs, les décisions ayant pour objet d'organiser, au sein de ces personnes, les délégations de compétence relatives à ces actes administratifs ne revêtent pas un tel caractère. Dès lors, aucune règle ni aucun principe ne subordonne la légalité de ces délégations à ce qu'un texte les ait expressément prévues.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITÉ - REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - TAXES PARAFISCALES - TAXE PARAFISCALE AU PROFIT DU CENTRE TECHNIQUE INTERPROFESSIONNEL DES FRUITS ET LÉGUMES - TITRE DE PERCEPTION ÉMIS PAR LE RESPONSABLE DU RECOUVREMENT - LÉGALITÉ - CONDITIONS - ABSENCE - EXISTENCE D'UN TEXTE AUTORISANT LE DIRECTEUR DU CENTRE À DÉLÉGUER SES COMPÉTENCES EN MATIÈRE D'ÉTABLISSEMENT DES TITRES DE PERCEPTION [RJ1].

19-08-01 Il résulte des dispositions de la loi du 22 juillet 1948 que le législateur a entendu confier aux centres techniques industriels qu'il instituait la charge de missions de service public, sans enlever pour autant à ces centres leur caractère d'organismes privés. Alors même que ces personnes morales de droit privé peuvent être amenées, pour l'exécution du service qui leur est confié, à prendre des décisions ayant le caractère d'actes administratifs, les décisions ayant pour objet d'organiser, au sein de ces personnes, les délégations de compétence relatives à ces actes administratifs ne revêtent pas un tel caractère. Dès lors, aucune règle ni aucun principe ne subordonne la légalité de ces délégations à ce qu'un texte les ait expressément prévues. Il suit de là que les titres de perception de la taxe parafiscale instituée au profit du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes émis par le responsable du recouvrement de la taxe au sein du centre ne sauraient être regardées comme établis par une autorité incompétente au seul motif qu'aucun texte ne prévoit la possibilité pour le directeur du centre de déléguer la compétence qu'il tient de l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 en matière d'établissement de titres de perception.


Références :

[RJ1]

Rappr. 27 juin 2001, Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne c/ Mme Sutra, T. p. 790.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2003, n° 243781
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : ME FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:243781.20030219
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