Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 juillet et 6 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Catherine X demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 31 janvier 1995 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1991 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1 quater de l'article 93 du code général des impôts : Lorsqu'ils sont intégralement déclarés par les tiers, les produits des droits d'auteur perçus par les écrivains et compositeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ; qu'il résulte de ces dispositions que les droits d'auteur déclarés par des tiers demeurent des bénéfices non commerciaux et ne sont assimilés aux traitements et salaires qu'en ce qui concerne le calcul des bases d'imposition ; qu'en particulier, la procédure d'imposition demeure celle applicable en matière de bénéfices non commerciaux sous les garanties qu'elle comporte, notamment la possibilité, prévue par l'article L. 59-A du livre des procédures fiscales, de saisir la commission départementale des impôts d'un désaccord opposant le contribuable au service sur le montant du bénéfice non commercial imposable ; que, dans l'hypothèse où un contribuable qui perçoit simultanément des produits de droits d'auteur intégralement déclarés par des tiers et des revenus constitutifs de traitements et salaires a choisi, pour le calcul de la base de son imposition, de justifier de la réalité et du montant des frais professionnels afférents à l'ensemble des revenus imposés selon les règles de calcul applicables aux traitements et salaires, la détermination de l'existence et du quantum de ces frais constitue une question de fait susceptible d'influer sur le montant des bénéfices non commerciaux imposables de l'intéressé et relève, par suite, de la compétence de la commission départementale des impôts ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours des années 1989 à 1991, Mme X, qui, outre une activité de producteur discographique, exerçait celles d'interprète et d'auteur-compositeur de musique, était pour ce qui concerne les bénéfices non commerciaux qu'elle retire de cette dernière activité, imposée selon les règles prévues en matière de traitements et salaires, en application des dispositions précitées du 1 quater de l'article 93 du code général des impôts ; que, pour la détermination de l'ensemble de ses revenus imposables selon ces règles, Mme X avait opté pour la justification de ses frais réels déductibles ; que l'administration n'a pas admis la déductibilité d'une partie des dépenses exposées par Mme X pour donner des représentations ou obtenir des engagements, et lui a notifié les redressements correspondants après avoir rayé, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention relative à la possibilité de saisir la commission départementale ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en écartant le moyen tiré par Mme X de ce que, dès lors qu'elle interprète ses propres oeuvres, l'administration l'avait ainsi privée d'une garantie de procédure dont elle était en droit de bénéficier, au motif que la contribuable n'établissait pas que les dépenses non admises en déduction étaient liées à la conservation ou à la perception des revenus tirés de son activité d'auteur-compositeur, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu dès lors, et pour ce seul motif, d'annuler dans cette mesure l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que pour redresser le montant des frais professionnels déductibles des revenus perçus par Mme X pendant les années 1989 à 1991, l'administration a privé la contribuable d'une garantie de procédure à laquelle elle avait droit ; qu'elle a ainsi établi les redressements litigieux selon une procédure irrégulière ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne lui a pas accordé la réduction des suppléments d'impôts sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1989, 1990 et 1991, à raison des frais non admis en déduction par l'administration pour des montants respectifs de 117 165 F, 81 084 F et 95 313 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 3 000 euros (19 678,71 F) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 mars 1998 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 31 janvier 1995 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés en tant qu'ils statuent sur les conclusions de Mme X tendant à la décharge des suppléments d'impôts sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1989, 1990 et 1991 à raison des frais non admis en déduction pour des montants respectifs de 117 165 F, 81 084 F et 95 313 F.
Article 2 : Mme X est déchargée des suppléments d'impôt sur le revenu précisés à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat paiera à Mme Catherine X la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.