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03/02/2003 | FRANCE | N°226804

France | France, Conseil d'État, 4eme et 6eme sous-sections reunies, 03 février 2003, 226804


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société CORA BELGIQUE, dont le siège social est Zoning Industriel à Jumet (B-6040) et la société des SUPERMARCHES MATCH, dont le siège social est ... (67506 Cedex) ; la société CORA BELGIQUE et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler une décision en date du 11 juillet 2000, par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Auchan France l'autorisation en vue de créer par transfert et extension un ensemble comm

ercial de 17 700 m² de surface de vente comportant un magasin à l'enseigne ...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société CORA BELGIQUE, dont le siège social est Zoning Industriel à Jumet (B-6040) et la société des SUPERMARCHES MATCH, dont le siège social est ... (67506 Cedex) ; la société CORA BELGIQUE et autre demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler une décision en date du 11 juillet 2000, par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Auchan France l'autorisation en vue de créer par transfert et extension un ensemble commercial de 17 700 m² de surface de vente comportant un magasin à l'enseigne Auchan et une galerie marchande à Mont-Saint-Martin en Meurthe-et-Moselle ;

2°) de condamner la société Auchan France à leur payer la somme de 50 000 F par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de la société CORA BELGIQUE et de la société des SUPERMARCHES MATCH et de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la société Auchan France,

- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Auchan France :

Considérant que la société CORA BELGIQUE et la société des SUPERMARCHES MATCH exploitent à proximité immédiate du projet autorisé des magasins à grande surface à dominante alimentaire ; qu'elles justifient ainsi, alors même que l'établissement à l'enseigne Cora est situé en Belgique et que le siège social de la société des SUPERMARCHES MATCH se trouve dans un autre département, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par suite, leur requête est recevable ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973, la commission départementale d'équipement commercial statue en prenant en considération : - l'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; - la densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; - l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; - l'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; - les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat (...) ; qu'aux termes de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993, Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande (...) est accompagnée : (...) b) des renseignements suivants : 1° délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; / 2° marché théorique de la zone de chalandise ; / 3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillant des commerçants non sédentaires ; / 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; / 5° chiffre d'affaires annuel attendu de la réalisation du projet ; c) d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères prévus par l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée et justifiant du respect des principes posés par l'article 1er de la même loi (...) ;

Considérant que pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée, conformément aux dispositions du décret du 9 mars 1993 modifié et de l'arrêté pris pour son application, en tenant compte des conditions de desserte et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ;

Considérant que si, lorsque la demande d'autorisation porte sur un établissement dont l'implantation est prévue dans une zone frontalière, l'appréciation du projet au regard des dispositions combinées des articles 1er et 28 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée ne peut prendre en compte d'autres effets que ceux qui pourraient en résulter sur le territoire national, la définition de la zone de chalandise décrite par le pétitionnaire doit tenir compte des conditions d'accès au site telles qu'elles peuvent être constatées de manière objective, sans que la circonstance qu'une partie de cette zone soit constituée de communes situées hors du territoire national ne justifie à elle seule leur exclusion, dès lors que la frontière qui les sépare ne constitue un obstacle ni géographique ni monétaire à l'accès au site prévu ; qu'il incombe en conséquence au demandeur de fournir, pour l'ensemble de la zone de chalandise ainsi définie, les renseignements prévus par le décret du 9 mars 1993 modifié et l'arrêté pris pour son application, en s'efforçant, dans le cas où ils ne seraient pas disponibles, en ce qui concerne la partie de cette zone située à l'étranger, dans les mêmes conditions que sur le territoire français, de communiquer toute donnée se rapprochant, avec le plus de précision possible, des informations exigées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'équipement commercial relative à un projet comportant un hypermarché de 13 000 m² et une galerie marchande de 4 700 m² à Mont-Saint-Martin dans la périphérie de Longwy, la société Auchan a produit une étude d'impact dans laquelle elle a délimité une zone de chalandise prenant en compte trois sous-zones autour du lieu d'implantation du projet, regroupant les agglomérations d'un territoire s'étendant d'ouest en est de Montmédy à Aumetz et du nord au sud de Clemecy à Landres, en excluant expressément les localités belges et luxembourgeoises situées à proximité immédiate du projet et dans lesquelles sont implantés plusieurs équipements commerciaux, faisant seulement référence à une zone d'appoint en territoires belge et luxembourgeois dans laquelle se trouve un hypermarché à l'enseigne Cora d'une surface de vente de 15 000 m², implanté à moins de huit minutes du projet contesté à Messancy en Belgique ;

Considérant que les lacunes entachant de ce fait la définition de la zone de chalandise du projet et ses caractéristiques économiques dans l'étude produite par le demandeur à l'appui de son dossier ne permettaient pas à la commission nationale d'équipement commercial d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères fixés par les articles 1er et 28 de la loi du 27 décembre 1973, comme elle doit le faire sous le contrôle du juge ; qu'en n'invitant pas le demandeur à compléter dans cette mesure son dossier, dès lors qu'elle considérait elle-même que la zone de chalandise, délimitée comme il a été dit ci-dessus, avait été correctement définie, la commission nationale d'équipement commercial a méconnu les dispositions du décret du 9 mars 1993 ci-dessus rappelées ; que, dès lors, la société CORA BELGIQUE et la société des SUPERMARCHES MATCH sont fondées à demander l'annulation de la décision en date du 11 juillet 2000 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a autorisé la société Auchan à créer un centre commercial sur le territoire de la commune de Mont-Saint-Martin ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société CORA BELGIQUE et la société des SUPERMARCHES MATCH, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à payer à la société Auchan la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de la société CORA BELGIQUE et de la société des SUPERMARCHES MATCH et de condamner la société Auchan à leur verser la somme de 4 000 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la commission nationale d'équipement commercial en date du 11 juillet 2000 autorisant la création d'un ensemble commercial de 17 700 m² par la société Auchan à Mont-Saint-Martin est annulée.

Article 2 : La société Auchan est condamnée à verser la somme globale de 4 000 euros à la société CORA BELGIQUE et à la société des SUPERMARCHES MATCH en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Auchan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société CORA BELGIQUE, à la société des SUPERMARCHES MATCH, à la commission nationale d'équipement commercial, à la société Auchan et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 4eme et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 226804
Date de la décision : 03/02/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - URBANISME COMMERCIAL (LOI DU 27 DÉCEMBRE 1973 MODIFIÉE) - RÈGLES DE FOND - ETABLISSEMENT PRÉVU DANS UNE ZONE FRONTALIÈRE - A) APPRÉCIATION DU PROJET AU REGARD DES ARTICLES 1ER ET 28 DE LA LOI - PRISE EN COMPTE DES EFFETS SUR LE SEUL TERRITOIRE NATIONAL - B) DÉFINITION DE LA ZONE DE CHALANDISE - INCLUSION DE COMMUNES ÉTRANGÈRES DÈS LORS QUE LA FRONTIÈRE NE CONSTITUE PAS UN OBSTACLE À L'ACCÈS AU SITE PRÉVU - C) CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE DEMANDEUR DE FOURNIR DES RENSEIGNEMENTS POUR L'ENSEMBLE DE LA ZONE AINSI DÉFINIE.

14-02-01-05-03 a) Lorsque la demande d'autorisation porte sur un établissement dont l'implantation est prévue dans une zone frontalière, l'appréciation du projet au regard des dispositions des articles 1er et 28 de la loi du 27 décembre 1973 ne peut prendre en compte d'autres effets que ceux qui pourraient en résulter sur le territoire national.,,b) Toutefois, la définition de la zone de chalandise décrite par le pétitionnaire doit tenir compte des conditions objectives d'accès au site, sans que la circonstance qu'une partie de cette zone soit constituée de communes situées hors du territoire national ne justifie à elle seule leur exclusion, dès lors que la frontière qui les sépare ne constitue un obstacle ni géographique ni monétaire à l'accès au site prévu.,,c) Il incombe en conséquence au demandeur de fournir, pour l'ensemble de la zone de chalandise ainsi définie, les renseignements prévus par le décret du 9 mars 1993 modifié et l'arrêté pris pour son application, en s'efforçant, dans le cas où ils ne seraient pas disponibles, en ce qui concerne la partie de cette zone située à l'étranger, dans les mêmes conditions que sur le territoire français, de communiquer toute donnée se rapprochant, avec le plus de précision possible, des informations exigées.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2003, n° 226804
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Marie Picard
Rapporteur public ?: Mme Roul
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX ; SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:226804.20030203
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