Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre 2000 et 25 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Benoît X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 24 juillet 2000 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la décision attaquée au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives aux contestations sur les droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale, ne concernent pas le régime disciplinaire applicable à des personnes qui, comme c'est le cas pour les magistrats de l'ordre judiciaire, participent, de par leurs fonctions, à l'exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'irrégularité, au regard de l'article 6 de cette convention, de la décision attaquée ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le moyen tiré de la participation du rapporteur au délibéré :
Considérant que si, en application des dispositions combinées des articles 51 et 52 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, un membre du Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, est désigné comme rapporteur et peut procéder à des mesures d'investigation qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et des observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi et alors même qu'il incombe au rapporteur, en vertu de l'article 56 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, de donner lecture de son rapport, lors de la séance du conseil de discipline, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas eu pour effet de conférer au rapporteur des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité, feraient obstacle à sa participation au délibéré de ce conseil ;
Sur le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de la magistrature ne pouvait sanctionner M. X... après l'avoir suspendu de ses fonctions :
Considérant qu'aux termes de l'article 50 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : "Le garde des sceaux, ministre de la justice peut, s'il y a urgence et après avis des chefs hiérarchiques, proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires. La décision d'interdiction temporaire, prise dans l'intérêt du service, ne peut être rendue publique ; elle ne comporte pas privation du droit au traitement. Si, à l'expiration du délai de deux mois, le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas été saisi par le garde des sceaux, ministre de la justice, dans les conditions prévues à l'article 50-1, l'interdiction temporaire cesse de plein droit de produire ses effets" ; que ces dispositions, ont seulement pour objet, dans l'intérêt du service et, le cas échéant, du magistrat intéressé, d'écarter temporairement celui-ci de ses fonctions, sans qu'il soit aucunement pris parti sur les faits qui lui sont reprochés ; que la mesure prise en application de ces dispositions ne peut, dès lors, être regardée comme une prise de position sur le bien fondé des poursuites disciplinaires de nature à affecter l'impartialité des auteurs de la décision disciplinaire prise ultérieurement ;
Sur le moyen tiré de l'absence de lecture du rapport en séance publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 56 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui a pour objet de fixer les règles à suivre devant le Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'il siège comme conseil de discipline des magistrats du siège : "Au jour fixé par la citation, après audition du directeur des services judiciaires et après lecture du rapport, le magistrat déféré est invité à fournir ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés" ;
Considérant qu'il est soutenu que la lecture du rapport n'ayant pas eu lieu lors de la séance au cours de laquelle le Conseil supérieur de la magistrature a examiné les poursuites disciplinaires intentées contre lui, la sanction de la mise à la retraite d'office infligée à M. X... a été prononcée dans des conditions irrégulières ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le rapport écrit du membre du Conseil qui en était chargé a été communiqué, en temps utile avant la séance, à M. X... et aux membres du Conseil ; qu'il a été ainsi satisfait aux fins en vue desquelles la lecture du rapport a été prévue par les dispositions précitées de l'article 56 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; que dans ces conditions la circonstance que le rapporteur a été dispensé de cette lecture n'a pas vicié la procédure ;
Sur les moyens tirés de ce que les faits reprochés à M. X... n'étaient pas de nature à justifier une sanction et que celle qui a été prononcée est excessive :
Considérant que les faits reprochés à M. X..., dont la matérialité est établie, étaient de nature à justifier une sanction ; que, dès lors, le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas entaché sa décision d'une erreur de qualification juridique ;
Considérant, enfin, que le choix de la sanction à infliger compte tenu de la gravité des faits qui l'ont motivée relève de l'appréciation souveraine de la juridiction disciplinaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Benoît X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.