Vu le recours, enregistré le 29 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 octobre 2001, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 14 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a accordé à M. Joseph X... la décharge de la redevance applicable aux récepteurs de télévision de première catégorie à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 1998 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 92-304 du 30 mars 1992, modifié ;
Vu la loi du 10 juillet 1991, notamment l'article 37-2° ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Considérant que M. Y..., signataire du pourvoi, avait reçu qualité à cet effet en vertu de l'article 13 du décret du 26 septembre 2001 ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant que le décret n° 93-1314 du 20 décembre 1993 a modifié l'article 11 du décret n° 92-304 du 30 mars 1992 relatif à l'assiette et au recouvrement de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision, afin de reporter de soixante à soixante-cinq ans, à raison d'un an chaque année, l'âge auquel les personnes exonérées d'impôt sur le revenu pouvaient être exonérées de cette redevance, ainsi que de réserver cette exonération, à compter du 1er janvier 1998, aux bénéficiaires du fonds national de solidarité ; qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction en vigueur au cours de l'année 1997 : "Sont exonérés de la redevance applicable aux appareils récepteurs de télévision de 1ère catégorie : a) Les personnes âgées de soixante-quatre ans au 1er janvier de l'année d'exigibilité de la redevance, lorsque sont remplies simultanément les conditions suivantes : - bénéficier, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts ; - ne pas être passible de l'impôt de solidarité sur la fortune ; - vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge au sens des articles 6, 196 et 196 A bis du code général des impôts ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts" ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 1998 : "Sont exonérés de la redevance applicable aux appareils récepteurs de télévision de 1ère catégorie : a) Les personnes âgées de soixante-cinq ans au 1er janvier de l'année d'exigibilité de la redevance, lorsque sont remplies simultanément les conditions suivantes : 1° Etre titulaire de l'allocation supplémentaire définie aux articles L. 815-2 à L. 815-22 du code de la sécurité sociale ; 2° vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge au sens des articles 6, 196 et 196 A bis du code général des impôts ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts. Le montant des revenus est celui défini par le V de l'article 1417 du code général des impôts" ; que les articles 16 et 17 du même décret prévoient que "la redevance est exigible dès la mise en recouvrement du rôle" et qu'elle est "acquittée annuellement et d'avance, en une seule fois et pour une année entière" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le fait générateur de la redevance est la détention d'un appareil de télévision et que les détenteurs d'appareils de télévision qui demandent à être exemptés de la redevance, doivent satisfaire aux conditions d'exonération requises à la date d'exigibilité de la redevance ; qu'en jugeant que la date du fait générateur de la redevance à laquelle M. X... a été assujetti en 1998 était la date d'achat d'un poste récepteur de télévision en décembre 1997 et que son droit à exonération devait être apprécié compte tenu des dispositions de l'article 11 précité, en vigueur à cette date, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des termes de l'article 11 bis du décret du 30 mars 1992 que le régime d'exonération de la redevance applicable aux récepteurs de télévision de première catégorie en vigueur avant le 1er janvier 1998, est maintenu, à titre dérogatoire, en faveur des personnes qui ont atteint l'âge de soixante-cinq ans avant cette date ; que, contrairement à ce que soutient le ministre requérant, le bénéfice de ces dispositions n'est pas réservé aux personnes qui auraient bénéficié d'une décision d'exonération de leur redevance en 1997 et continueraient sans interruption à satisfaire aux conditions d'exonération qu'elles prévoient ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... satisfaisait, en 1998, aux conditions d'âge et de situation financière prévues par les dispositions de l'article 11 bis du décret du 30 mars 1992 et devait donc bénéficier de l'exonération prévue par cet article ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à M. X... la décharge de la redevance à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1998 ;
Considérant que M. X... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 300 euros ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 9 octobre 2001 est annulé.
Article 2 : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X..., une somme de 2 300 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Joseph X....