Vu la requête et les conclusions aux fins de sursis à exécution, enregistrées les 18 août et 22 août 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES, dont le siège est sis ... ; la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 26 mai 1997 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1990 ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : "Sont taxés d'office : à 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68" ; qu'il résulte de l'article L. 68 que la taxation d'office ainsi définie n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure ; qu'aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : "Lorsqu'une personneà moraleà tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôtsà établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %" ; qu'aux termes du 3 du même article : "La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première" ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a, devant la cour administrative d'appel de Marseille, accordé le dégrèvement des impositions contestées par la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES au titre des années 1988 et 1989, mais maintenu les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui, sur la base des dispositions précitées, avaient été mises à la charge de la requérante selon la procédure de taxation d'office au titre de l'année 1990 et augmentées d'une pénalité de 80 % pour absence de déclaration après deux mises en demeure infructueuses ; que la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de ces droits et pénalités, d'un montant de 2 685 287 F ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un mémoire en date du 9 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a produit ses observations sur la requête de la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES dans le délai d'un mois fixé par la mise en demeure que le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille lui avait adressée le 29 février 2000 ; que, par un courrier en date du 16 mai 2000, la requérante a demandé au président de la cour administrative d'appel de Marseille un délai supplémentaire pour préparer sa défense et répliquer aux observations du ministre ; que ce délai lui ayant été refusé, elle a renouvelé sa demande par lettre du 22 mai 2000, en exposant que le délai sollicité était nécessaire notamment pour lui permettre d'obtenir la communication d'une lettre adressée le 24 avril 1991 par son gérant à l'administration afin de demander que la vérification de comptabilité que les services fiscaux envisageaient alors de diligenter s'effectue, non pas au siège de la société, mais à l'adresse professionnelle de son gérant, où étaient entreposés les documents comptables ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que la lettre du 22 mai 2000 ne la saisissait pas d'un moyen tiré de ce que les mises en demeure préalables au déclenchement de la procédure de taxation d'office auraient dû être adressées à la société, non pas à son siège social, mais à l'adresse que le gérant avait indiquée à l'administration pour procéder à la vérification de sa comptabilité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elleà 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai,à de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense" ; que ces stipulations sont applicables à la contestation des majorations d'imposition infligées à la société requérante en vertu des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;
Considérant que le délai de deux mois et demi imparti à la société pour répliquer était suffisant ; que la Cour n'a pas méconnu les règles du procès équitable découlant des stipulations précitées en ne suspendant pas le jugement de l'affaire jusqu'à ce que la société requérante ait retrouvé copie de sa lettre du 24 avril 1991 ou en ait obtenu communication de l'administration ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant que les dispositions de l'article 1728 proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; que la cour administrative d'appel de Marseille n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant que la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ses conclusions relatives aux impositions et pénalités mises à sa charge au titre de l'année 1990 ;
Article 1er : La requête de la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. CLINIQUE MEDICALE DE MAZARGUES et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.