Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 9 août 2000 et 11 décembre 2000, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour M. Streko X..., demeurant à la Maison d'arrêt de Nice (06000) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2000 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen en date du 19 juin 1990 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué vise la demande d'extradition des autorités italiennes, fondée sur un ordre d'exécution de peine délivré le 31 octobre 1998 par le procureur de la République près le tribunal de Savone et fixant à 13 ans et 9 mois de réclusion le reliquat de peine à subir par M. X... à la suite des condamnations prononcées contre lui par les juridictions italiennes ; qu'il mentionne les infractions commises par le requérant, ainsi que la circonstance que les faits répondent aux exigences de l'article 61 de la convention d'application de l'accord de Schengen en date du 19 juin 1990 et le caractère favorable de l'avis émis par la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 septembre 1999 ; que, par suite, le décret attaqué n'a pas méconnu les prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que si M. X... a été condamné à deux reprises selon la procédure italienne de contumace, celle-ci prévoit la représentation de l'accusé par un défenseur et lui ouvre, dans des conditions qu'une loi du 23 janvier 1989 a réformées, un recours contre la condamnation prononcée ; que, par suite, et alors même que cette procédure ne comporte pas un dispositif de purge de la contumace similaire à celui qu'organisent les prescriptions du code de procédure pénale applicables en France, les condamnations infligées à M. X... ne peuvent être regardées comme ayant été prononcées dans des conditions qui auraient été contraires à l'ordre public français ou aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, l'avocat commis d'office pour sa défense n'a pas été désigné par le procureur de la République ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les droits de la défense aient été méconnus au cours des procédures ayant conduit aux condamnations prononcées contre le requérant ;
Considérant qu'il résulte tant des principes généraux du droit applicables à l'extradition que de la loi du 10 mars 1927 qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés au requérant et ayant entraîné ses condamnations en Italie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 132-4 du code pénal : "Lorsque, à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale" ; que la confusion des peines, qui est une faculté pour les juridictions répressives françaises, ne constitue pas une règle d'ordre public applicable au droit de l'extradition ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le reliquat de peine de 13 ans et 9 mois d'emprisonnement résultant du jugement du tribunal de Ravenne du 8 février 1995 condamnant le requérant à trois ans d'emprisonnement pour recel de malfaiteur et proxénétisme aggravé et du jugement du tribunal de Savone du 23 janvier 1995 le condamnant à douze ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et proxénétisme aggravé est inférieur au maximum légal le plus élevé qui est en l'espèce, s'agissant de l'infraction de proxénétisme commis en bande organisée, de 20 ans par application de l'article 225-8 du code pénal ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 132-4 du code pénal n'ont pas été méconnues par le décret attaqué ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer la somme que M. X... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Streko X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.