Vu le recours, enregistré le 27 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel d'un jugement en date du 14 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. François X..., demeurant ..., la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre de chacune des années 1982 et 1983, ainsi que des pénalités ajoutées à ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Bret, Desaché, Laugier, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours ;
Considérant que, pour confirmer le dispositif du jugement par lequel le tribunal administratif avait déchargé M. François X... des suppléments d'impôt sur le revenu et pénalités auxquels il avait été assujetti au titre de chacune des années 1982 et 1983, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que la circonstance, résultant de l'instruction, que le contribuable était affecté d'une maladie mentale entraînant son incapacité totale à accomplir les actes courants de la vie civile, aurait entaché de nullité la procédure de redressement contradictoire suivie par l'administration fiscale à son égard, l'intéressé n'ayant fait l'objet d'aucune mesure de protection légale comportant la désignation d'une personne habilitée à pourvoir à ses intérêts ; qu'en statuant ainsi alors que l'état d'incapacité mentale du contribuable justifiait, le cas échéant, que ne lui fût pas dévolue la charge de la preuve en raison d'une acceptation, tacite ou expresse des redressements notifiés, mais n'était pas de nature à affecter la régularité des actes de procédure effectués par l'administration, la Cour a, comme le soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, commis une erreur de droit ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2, premier alinéa du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que les suppléments d'impôt sur le revenu litigieux procèdent d'un rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux primitivement compris dans les bases d'imposition de M. François X... au titre de sa part des bénéfices forfaitaires assignés, pour chacune des années 1982 et 1983, à une société de fait déclarée sous la dénomination "X... François et Moussa", exploitant un hôtel sis ... (9ème), après que l'administration eût notifié à cette société la dénonciation pour caducité desdits forfaits et la proposition de nouveaux forfaits, puis eût regardé ceux-ci comme acceptés, en l'absence de toute contestation ; que, par le jugement dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a interjeté appel, le tribunal administratif a prononcé la décharge des impositions au motif que l'administration n'établissait pas l'existence d'une société de fait, et que la proposition de nouveaux forfaits n'aurait pu, régulièrement, être adressée qu'à M. François X... en personne ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'acquisition conjointe, en 1976, du fonds de commerce susdésigné par MM. François et Moussa X..., ce fonds a été inscrit au répertoire national des entreprises au nom de la "société de fait X... François et Moussa", et que, depuis lors et jusqu'à la cessation de l'exploitation en 1983, la totalité des déclarations et courriers adressés à l'administration fiscale ont été établis sous cette appellation ; que ladite administration, par suite, a régulièrement, en se conformant aux apparences qui lui étaient ainsi présentées, et selon les prescriptions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, notifié à la "société de fait X... François et Moussa" chez M. Moussa X..., les dénonciation et proposition de forfaits de bénéfices susmentionnées ; que c'est, dès lors, à tort que, pour prononcer la décharge des impositions contestées, le tribunal administratif s'est fondé sur l'irrégularité de ces actes de la procédure suivie à l'égard de la société de fait ;
Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, il convient d'examiner les autres moyens soulevés par M. François X... tant en première instance qu'en appel ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration était en droit, eu égard aux apparences qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, lui avaient été présentées, de regarder les bénéficesissus de l'exploitation de l'hôtel sis rue Navarin comme réalisés par une société de fait existant entre MM. François et Moussa X..., et de les imposer par moitié au nom de chacun de ceux-ci à raison de la part leur en revenant selon les déclarations précédemment souscrites ; que, par suite, le moyen tiré par M. François X... de ce qu'il n'aurait en rien participé à l'exploitation de l'hôtel est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, que la notification de redressements adressée à M. François X... le 9 décembre 1986, et comportant le rappel des circonstances ayant entraîné la caducité des forfaits initialement assignés à la société de fait, puis l'applicabilité de nouveaux forfaits, ainsi que l'indication du montant de ceux-ci et de la part qui en était imposable au nom de M. François X..., était, contrairement à ce que celui-ci soutient, suffisamment motivée ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il est établi par l'administration qu'une enquête effectuée, en 1983, par la brigade des stupéfiants et du proxénétisme de la police judiciaire a révélé que l'hôtel sis rue Navarin était le siège d'une activité occulte de proxénétisme hôtelier ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a regardé les forfaits de bénéfices initialement arrêtés pour la période biennale 1982-1983 comme fixés au vu de renseignements inexacts, et devenus caducs en vertu des dispositions de l'article L. 8 du livre des procédures fiscales ; que les nouveaux forfaits ont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus et contrairement à ce que M. François X... soutient, régulièrement été arrêtés, après avoir fait l'objet d'une proposition tacitement acceptée par la société de fait représentée par M. Moussa X... ; qu'il a été tenu compte, pour la détermination du forfait relatif à l'année 1983 de ce que l'exploitation a cessé au cours de l'année ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre qui limite ses conclusions d'appel au rétablissement de M. François X... aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1982 et 1983 à concurrence des droits principaux auxquels il avait été supplémentairement assujetti et des seuls intérêts de retard applicables à ces droits, à l'exclusion des pénalités pour mauvaise foi dont ils avaient été majorés, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il conteste, le tribunal administratif a accordé à M. François X... plus ample décharge que celle de la différence entre le montant desdites pénalités et celui des intérêts de retard ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 mai 1998 est annulé.
Article 2 : M. François X... est rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1982 et 1983 à raison des droits supplémentaires auxquels il avait été assujetti et du montant des intérêts de retard applicables à ces droits.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 mars 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. François X....