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28/02/2001 | FRANCE | N°199295

France | France, Conseil d'État, Section, 28 février 2001, 199295


Vu le recours enregistré le 3 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 11 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. X... tendant à ce qu'il soit déchargé du complément d'impôt auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984, ainsi que

les pénalités y afférentes et, d'autre part, déchargé M. X... ...

Vu le recours enregistré le 3 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 11 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. X... tendant à ce qu'il soit déchargé du complément d'impôt auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984, ainsi que les pénalités y afférentes et, d'autre part, déchargé M. X... de ce complément d'impôt et des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre de l'année 1984, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de l'"avantage occulte" que lui aurait procuré, à concurrence d'une somme de 1 565 805 F, la cession des 449 actions détenues par lui dans la société Cogedipresse, éditrice de Paris-Match et dont il était le directeur général, à la société holding "Financière de Presse et d'Information" (SFPI) devenue société "publications Filipacchi" ;
Considérant qu'en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 : "Sont notamment considérés comme revenus distribués ... c) les rémunérations et avantages occultes" ;
Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;
Considérant qu'en énonçant qu'il n'était pas soutenu que l'opération d'acquisition des actions de la société Cogedipresse détenues par M. X... n'aurait pas été portée, accompagnée des précisions suffisantes pour permettre d'identifier le caractère de la transaction et la personne du bénéficiaire, dans la comptabilité de la Société Financière de Presse et d'Information et que, dès lors, l'avantage éventuellement consenti à M. X... ne pouvait être regardé comme un avantage occulte au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts, la cour administrative d'appel a fait une inexacte application de ces dispositions ; que le ministre, qui était en tout état de cause recevable à invoquer ce moyen, né de l'arrêt attaqué, est fondé à demander l'annulation de ce dernier ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ... régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'opérations préalables à l'introduction au second marché de la bourse des valeurs de l'ensemble des activités de presse et de régie publicitaire du groupe Filipacchi, M. X... a cédé le 30 novembre 1984, à la Société Financière de Presse et d'Information ses 449 actions de la société Cogedipresse pour un prix global de 4 000 000 F correspondant à un prix par action de 8 909 F ; que, pour soutenir que la valeur réelle des actions n'excédait pas un prix unitaire de 5 500 F, l'administration s'est référée, d'une part, àquatre opérations d'acquisition de titres Cogedipresse ayant porté en mars 1983 sur 4 950 actions, en juillet 1983 sur 449 actions, en novembre 1984 sur 3 600 actions et le 3 décembre suivant sur 5 399 actions et respectivement conclues aux prix, par action, de 4 256 F, 5 555 F, 5 500 F et 5 500 F, et d'autre part, à une étude de Cogedipresse faisant apparaître pour ses propres actions, et selon plusieurs méthodes couramment utilisées, des valeurs unitaires comprises entre 4 158 F et 7 194 F ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que, dans le cas des cessions d'actions Cogedipresse prises pour références par l'administration, les cédants se sont vu offrir en contrepartie la possibilité de souscrire des titres non encore cotés et comportant un potentiel de valorisation de la société "Publications Filipacchi" et qu'une telle possibilité n'a pas été offerte à M. X... ;
Considérant, en second lieu, que M. X... produit en appel la note établie par une banque conseil et portant sur l'évaluation de l'ensemble du groupe Filipacchi dont il s'était prévalu en première instance ; qu'il ressort de ce document, daté de septembre 1984, que l'évaluation à laquelle il a été procédé a été faite selon une méthode clairement définie et appliquée de façon homogène à sept sociétés éditrices et à trois régies publicitaires du groupe ; que cette note évalue à 11 652 F la valeur unitaire de l'action Cogedipresse ; que l'administration a indiqué qu'elle ne contestait pas cette évaluation ; qu'elle ne saurait dès lors opposer au contribuable les chiffres résultant de l'étude de la société Cogedipresse, alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a été effectuée par celle-ci à seule fin de lui permettre de répondre à une notification de redressement portant sur le prix trop bas auquel il lui était reproché d'avoir racheté ses propres actions ; que, par rapport à la valeur unitaire de l'action Cogedipresse, évaluée ainsi qu'il a été dit à 11 652 F, le prix de 8 909 F sur la base duquel M. X..., qui ne détenait que 1,1 % du capital de Cogedipresse, a accepté de céder sa participation, fait apparaître une décote de 23,50 % ; que, dès lors, l'administration n'établit pas que la cession litigieuse dissimulerait un avantage ayant le caractère d'avantage occulte, constitutif de revenus distribués, accordé par la Société Financière de Presse et d'Information à M. X... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'imposition litigieuse ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 25 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 2 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement en date du 11 janvier 1996 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : M. X... est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 1984.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de 25 000 F au titre des frais exposéspar lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Roger X....


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 199295
Date de la décision : 28/02/2001
Sens de l'arrêt : Annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES -Avantages occultes (article 111 c) - Notion - Existence - Libéralité consistant en une acquisition à un prix délibérément majoré ou une vente à un prix délibérément minoré sans contrepartie - Comptabilisation de l'achat ou de la vente sans influence, à défaut de révéler, par elle-même, la libéralité (1) - Charge de la preuve de l'avantage incombant à l'administration - Démonstration du caractère excessif du prix et de l'intention libérale.

19-04-02-03-01-01 En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est comptabilisée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'une part, d'une intention, pour la société d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.


Références :

CGI 158, 109, 111
Code de justice administrative L821-2, L761-1

1. Comp., concernant la qualification d'avantage occulte consenti à un salarié ou un dirigeant, CE 2000-09-29, Le Diberder, n° 198325, à mentionner aux tables


Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2001, n° 199295
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Piveteau
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélemy, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:199295.20010228
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