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16/02/2001 | FRANCE | N°208609

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 16 février 2001, 208609


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 4 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 11 de l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité et du secrétaire d'Etat au budget du 1er avril 199

9 fixant les conditions d'adhésion et les droits des bénéficiaires ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 4 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 11 de l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité et du secrétaire d'Etat au budget du 1er avril 1999 fixant les conditions d'adhésion et les droits des bénéficiaires des conventions d'allocations spéciales du fonds national pour l'emploi ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cet article ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, et notamment son article 34 ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 et notamment son article 49 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Donnat, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le code du travail, par ses articles L. 351-3 et suivants, organise au profit des travailleurs privés d'emploi un régime d'assurance chômage qui est financé par des contributions des employeurs et des salariés généralement assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond et présentant le caractère de cotisations sociales et qui est géré par les organismes visés à l'article L. 351-21 auxquels les partenaires sociaux confient le service des allocations et le recouvrement des contributions ; que pour limiter les charges que faisait peser sur ce régime d'assurance chômage le licenciement de salariés âgés, le législateur a créé par des dispositions issues de la loi du 10 juillet 1987 et qui figurent à l'article L. 321-13 du code du travail, une "cotisation" spécifique à la charge des employeurs, dont le montant est fixé par décret dans la limite de douze mois de salaire brut, qui est due aux organismes visés à l'article L. 351-21 pour "toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 351-3" ; qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 321-13 du code du travail que la contribution qu'il prévoit revêt le caractère d'une "cotisation" sociale ;
Considérant que, de manière distincte, le code du travail définit, par ses articles L. 322-1 et suivants, les actions que peut mener le fonds national pour l'emploi notamment en faveur de l'adaptation des travailleurs aux évolutions du marché de l'emploi, qui peuvent prendre la forme d'"allocations spéciales" dont l'objet, nécessairement précisé par la voie d'une convention signée entre l'Etat et l'organisme professionnel ou l'entreprise concernés, consiste, en application de l'article L. 322-4, à venir en aide "à certaines catégories de travailleurs âgés lorsqu'il est établi qu'ils ne sont pas aptes à bénéficier de mesures de reclassement" ; que ce fonds, géré directement par l'Etat, est financé à la fois par des crédits budgétaires et par des contributions des organismes professionnels ou des entreprises signataires des conventions passées avec l'Etat ; que le versement aux salariés de cette allocation du fonds national pour l'emploi peut être effectué par les organismes visés à l'article L. 351-21 dès lors qu'une convention de gestion ayant cet objet est passée avec l'Etat ; que la détermination précise des droits des salariés et des contributions financières des entreprises a été renvoyée, par le V de l'article R. 322-7 du code du travail pris pour l'application de l'article L. 322-4, à un arrêté conjoint du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé du budget ;

Considérant que, sur le fondement de ces dernières dispositions, le ministre de l'emploi et de la solidarité et le secrétaire d'Etat au budget ont pris le 1er avril 1999 un arrêté fixant les conditions d'attribution des allocations spéciales, le mode de calcul de celles-ci et des contributions dues par l'employeur ; qu'ils y ont introduit, aux alinéa 2 et suivants de l'article 11, l'obligation pour les organismes gestionnaires mentionnés à l'article L. 351-21 de "participer au financement des allocations spéciales du fonds national pour l'emploi à hauteur de 50 % des recettes annuelles qu'ils encaissent au titre de la contribution prévue à l'article L. 321-13 du code du travail sans que cette participation conduise, pour l'année 1999, à réduire le montant de la contribution prévue à l'article L. 321-13 du code du travail affecté au régime d'assurance chômage en deçà de 1 700 000 000 F, sous réserve que les taux de recouvrement soient comparables à ceux constatés en 1998" et précisé la manière dont cette "participation" serait versée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi fixe les règles concernant ( ...) - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature" ; que la "participation" obligatoire instituée par les dispositions attaquées au profit de l'Etat, mise à la charge des organismes mentionnés à l'article L. 351-21 et assise sur le produit des cotisations sociales que reçoivent ces organismes pour financer les allocations d'assurance chômage, constitue une "imposition de toute nature" ; que seul le législateur était, par suite, compétent pour la créer ; qu'il résulte de ce qui précède que l'UNEDIC est fondée à demander l'annulation de l'article 11 de l'arrêté interministériel du 1er avril 1999, à l'exception de son premier alinéa qui n'est pas contesté ;
Article 1er : L'article 11 de l'arrêté du 1er avril 1999 fixant les conditions d'adhésion et les droits des bénéficiaires des conventions d'allocations spéciales du fonds national pour l'emploi, à l'exception de son premier alinéa, est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE POUR L'EMPLOI DANS L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 208609
Date de la décision : 16/02/2001
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - LOI ET REGLEMENT - ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION - MESURES RELEVANT DU DOMAINE DE LA LOI - REGLES CONCERNANT L'ASSIETTE - LE TAUX ET LES MODALITES DE RECOUVREMENT D'IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE - Existence - "Participation" obligatoire mise à la charge des organismes mentionnés à l'article L - 351-21 du code du travail et assise sur le produit des cotisations sociales que reçoivent ces organismes pour financer les allocations d'assurance chômage - Conséquence - Arrêté interministériel du 1er avril 1999 entaché d'incompétence.

01-02-01-02-03, 66-10-01 Le code du travail définit, par ses articles L. 322-1 et suivants, les actions que peut mener le fonds national pour l'emploi notamment en faveur de l'adaptation des travailleurs aux évolutions du marché de l'emploi, qui peuvent prendre la forme d'"allocations spéciales" dont l'objet, nécessairement précisé par la voie d'une convention signée entre l'Etat et l'organisme professionnel ou l'entreprise concernés, consiste, en application de l'article L. 322-4, à venir en aide "à certaines catégories de travailleurs âgés lorsqu'il est établi qu'ils ne sont pas aptes à bénéficier de mesures de reclassement". Le versement aux salariés de cette allocation du fonds national pour l'emploi peut être effectué par les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage visés à l'article L. 351-21 dès lors qu'une convention de gestion ayant cet objet est passée avec l'Etat. Un arrêté interministériel en date du 1er avril 1999 a fixé les conditions d'attribution des allocations spéciales, le mode de calcul de celles-ci et des contributions dues par l'employeur. Aux termes des alinéas 2 et suivants de l'article 11 de cet arrêté, les organismes gestionnaires mentionnés à l'article L. 351-21 ont l'obligation de "participer au financement des allocations spéciales du fonds national pour l'emploi à hauteur de 50 % des recettes annuelles qu'ils encaissent au titre de la contribution prévue à l'article L. 321-13 du code du travail sans que cette participation conduise, pour l'année 1999, à réduire le montant de la contribution prévue à l'article L. 321-13 du code du travail affecté au régime d'assurance chômage en deçà de 1 700 000 000 F, sous réserve que les taux de recouvrement soient comparables à ceux constatés en 1998". La "participation" obligatoire instituée par ces dispositions au profit de l'Etat, mise à la charge des organismes mentionnés à l'article L. 351-21 et assise sur le produit des cotisations sociales que reçoivent ces organismes pour financer les allocations d'assurance chômage, constitue une "imposition de toute nature" que seul le législateur était compétent pour créer. Annulation de l'article 11 de l'arrêté interministériel du 1er avril 1999, à l'exception de son premier alinéa qui n'est pas contesté, qui est entaché d'incompétence.

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - AIDE A L'EMPLOI - "Participation" obligatoire mise à la charge des organismes mentionnés à l'article L - 351-21 du code du travail et assise sur le produit des cotisations sociales que reçoivent ces organismes pour financer les allocations d'assurance chômage - Imposition de toute nature - Existence - Conséquence - Arrêté interministériel du 1er avril 1999 entaché d'incompétence.


Références :

Arrêté interministériel du 01 avril 1999 art. 11 décision attaquée annulation
Code du travail L351-3, L351-21, L321-13, L322-1, L322-4, R322-7
Loi du 10 juillet 1987


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2001, n° 208609
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Donnat
Rapporteur public ?: Mme Boissard
Avocat(s) : SCP Piwnica, Molinié, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:208609.20010216
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