Vu la décision du 5 mai 1998 par laquelle la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 1er décembre 1994 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande d'indemnisation formée par les CONSORTS X... en réparation du préjudice que leur aurait causé les refus successifs de visa opposés à M. Ibrahim X... et a transmis au Conseil d'Etat le dossier de cette demande ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 6 septembre 1995 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présentés par les CONSORTS X... élisant domicile auprès de Me Z..., ... ; ils demandent :
1°) l'annulation du jugement du 1er décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à être indemnisés du préjudice que leur ont causé les refus successifs de visa opposés à M. Ibrahim X... ;
2°) l'annulation de la décision du 23 mars 1989 du ministre des affaires étrangères rejetant leur réclamation ;
3°) la condamnation de l'Etat à verser à B... DEMIR la somme de 50 000 F et à ses enfants la somme de 20 000 F chacun en réparation du préjudice subi par eux ;
4°) la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 15 000 F en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Vu le mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 septembre 1998, présenté pour Mmes A... et Suna X... et MM. Y..., Ismaïl, Kemal, Adem, Aysel, Aydim et Ayhan X... ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) de condamner l'Etat à verser à B... DEMIR la somme de 50 000 F et à ses enfants la somme de 20 000 F chacun en réparation du préjudice subi par eux du fait de l'illégalité des refusopposés aux demandes de visa formées par M. Ibrahim X... ;
2°) de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal du jour de la demande ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 31 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat des CONSORTS X...,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er décembre 1994 rejetant la demande des CONSORTS X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les conséquences dommageables du refus de visa d'entrée en France opposé à M. X..., au motif que ce litige relevait de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Paris a, par le même arrêt du 5 mai 1998, renvoyé la demande des CONSORTS X... devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'au termes de l'article L. 3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve d'appel, juges de droit commun du contentieux administratif" ; qu'aux termes de l'article R. 46 du même code : "Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les articles R. 50 à R. 61 ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux" ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ( ...) 5° des litiges d'ordre administratif nés hors des territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs et des conseils du contentieux administratif" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître en premier ressort d'un litige qui, par sa nature, relève du juge de droit commun du contentieux administratif, est, en principe, celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui a pris la décision attaquée ou signé le contrat litigieux ; que si l'article R. 46 précité prévoit que des dérogations pourront être apportées à la règle générale ainsi édictée, ces dérogations contenues notamment dans les articles R. 50 à R. 61 du même code, ne sauraient concerner, comme l'article R. 46 lui-même, que la répartition de la compétence territoriale entre les divers tribunaux administratifs ; qu'il suit de là qu'au cas où les articles R. 50 à R. 61 n'attribuent compétence à aucun tribunal administratif, il convient de se référer aux dispositions de l'article R. 46 et que c'est seulement si l'application de celles-ci ne permet pas de déterminer un tribunal administratif territorialement compétent que le litige doit être regardé comme né hors des territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs et comme entrant à ce titre dans la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;
Considérant que la requête des CONSORTS X... est dirigée contre la décision du ministre des affaires étrangères rejetant leur demande d'indemnité en réparation du préjudice qui résulterait d'un refus de visa d'entrée en France ; qu'un tel litige relève, par sa nature, de la compétence du juge de droit commun du contentieux administratif ; que, si aucune des dispositions des articles R. 50 à R. 61 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne donne en l'espèce compétence territoriale à un tribunal administratif déterminé pour statuer sur ce litige eu égard à la résidence en Turquie du premier des auteurs de la demande, l'application de l'article R. 46 du même code conduit, en revanche, à attribuer cette compétence au tribunal administratif de Paris, dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui a pris la décision attaquée ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Paris était compétente pour connaître de l'appel formé contre le jugement entrepris et du fond du litige si elle était conduite à se prononcer par la voie de l'évocation ;
Considérant qu'en raison de la contrariété existant entre ce qui vient d'être dit et l'arrêt du 5 mai 1998 de la cour administrative d'appel de Paris qui, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris qui lui était déféré comme rendu par une juridiction incompétente, il y a lieu, en vertu des pouvoirs généraux de régulation de l'ordre juridictionnel administratif dont le Conseil d'Etat statuant au contentieux est investi, de déclarer cet arrêt nul et non avenu et de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 mai 1998 est déclaré nul et non avenu.
Article 2 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Paris par les CONSORTS X... est renvoyée devant cette cour.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mmes A..., Suna et Nejla X..., à MM. Y..., Ismaïl, Kemal, Adem, Aysel, Aydim et Ayhan X..., au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre des affaires étrangères.