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19/05/2000 | FRANCE | N°203546

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 19 mai 2000, 203546


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 janvier 1999 et le 12 mai 1999, présentés pour la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, représentée par le président en exercice du conseil régional domicilié en cette qualité à l'Hôtel de la Région, ... (Cedex 34064) ; la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 26 novembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 1996 du tribunal administ

ratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la condamnation de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 janvier 1999 et le 12 mai 1999, présentés pour la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, représentée par le président en exercice du conseil régional domicilié en cette qualité à l'Hôtel de la Région, ... (Cedex 34064) ; la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 26 novembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 juin 1996 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 113 594,74 F, augmentée des intérêts de droit et, le cas échéant, des intérêts des intérêts et l'a condamnée à payer à M. Antoine X... la somme de 38 074,25 F, augmentée des intérêts de droit à compter du 10 septembre 1992 et à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève la somme de 65 069,75 F ;
2°) statuant au fond en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, annule le jugement du 5 juin 1996 du tribunal administratif de Montpellier, condamne l'Etat à lui payer la somme de 113 594,74 F augmentée des intérêts au taux légal au titre des dommages matériels résultant de l'effondrement d'une balustrade du lycée Henri IV de Béziers, rejette la demande de M. Antoine X... et, subsidiairement, condamne l'Etat à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de M. X... ;
3°) condamne M. X... et l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens./ Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée" ;
Considérant qu'il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que, le 26 octobre 1990, des lycéens au nombre de 1 500 à 2 000 environ se sont rassemblés devant le lycée Henri IV à Béziers et que, au moment où certains d'entre eux tentaient de pénétrer dans le lycée à la suite d'un professeur, la porte a été refermée, les lycéens étant repoussés contre une balustrade qui s'est effondrée, blessant notamment le fils mineur de M. X... ; que la cour, qui, en décrivant avec précision les circonstances de l'accident et notamment le comportement des manifestants, avant d'écarter la responsabilité de l'Etat, a implicitement, mais nécessairement estimé que ce comportement ne constituait pas un délit, a suffisamment motivé son arrêt ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que si un rapport rédigé par le proviseur du lycée plusieurs mois après la manifestation fait état d'une tentative des lycéens de pénétrer par la force à l'intérieur de l'établissement, le procès-verbal de police dressé le jour même de la manifestation ne mentionne aucun délit qui aurait été commis par les intéressés et que, d'autre part, aucune plainte n'a été déposée par la direction du lycée auprès des autorités judiciaires ; que, dès lors, la cour n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique inexacte en estimant qu'ils n'étaient pas constitutifs d'un délit ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant qu'ils n'étaient pas de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat en application des dispositions de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 ;
Sur la responsabilité de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notammentde douze témoignages circonstanciés que le jeune X..., qui participait au rassemblement relaté ci-dessus et qui a été blessé au pied gauche au moment de l'effondrement de la balustrade, ne se trouvait pas sur le perron de l'établissement à ce moment ; que la cour n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en affirmant qu'il se trouvait sur le trottoir au moment de l'accident ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la balustrade bordant le perron du lycée Henri IV à Béziers ait été incorporée au trottoir sur lequel se trouvait le jeune X..., ni que ce dernier se soit appuyé sur cette balustrade ou ait tenté de l'escalader au moment de l'accident ; que, dès lors, c'est sans commettre ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique que la cour a jugé que l'intéressé avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public dont l'existence est à l'origine du dommage et, par suite, que la responsabilité de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON était engagée à l'égard de l'intéressé sur le fondement de la responsabilité sans faute ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X... et l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à payer à la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON, à M. Antoine X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 203546
Date de la décision : 19/05/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION - DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - VICTIMES AUTRES QUE LES USAGERS DE L'OUVRAGE PUBLIC - TIERS - CAExistence - Lycéen blessé par l'effondrement de la balustrade d'un lycée à l'occasion de la tentative d'une manifestation lycéenne de pénétrer par la force dans l'établissement.

60-01-02-01-03-01-01 Au cours d'une manifestation lycéenne, des élèves ont tenté de pénétrer par la force à l'intérieur d'un lycée. Les lycéens ayant été repoussés contre une balustrade, celle-ci s'est effondrée et a blessé l'un d'eux au pied. Compte tenu de ce que le lycéen blessé, qui participait au rassemblement, ne se trouvait pas sur le perron de l'établissement au moment de la chute de la balustrade mais sur le trottoir situé en contrebas, de ce que cette balustrade, qui borde le perron du lycée, n'est pas incorporée audit trottoir et de ce que l'intéressé ne s'y appuyait pas ni n'essayait de l'escalader au moment de l'accident, une cour administrative d'appel peut, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique, regarder la victime comme ayant la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public dont l'existence est à l'origine du dommage. Responsabilité de la région engagée à l'égard de l'intéressé sur le fondement de la responsabilité sans faute.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE REGIE PAR DES TEXTES SPECIAUX - ATTROUPEMENTS ET RASSEMBLEMENTS (ART - 92 DE LA LOI DU 7 JANVIER 1983) - CADélit - Absence - Manifestation de lycéens qui tentent de pénétrer dans un lycée.

60-01-05-01 Aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée". Ne commet pas d'erreur de qualification juridique une cour administrative d'appel qui ne qualifie pas de délit la tentative de lycéens de pénétrer par la force à l'intérieur d'un établissement à l'occasion d'une manifestation lycéenne, dès lors qu'aucun délit n'a été relevé dans le procès verbal de police dressé le jour même et qu'aucune plainte n'a été déposée par la direction du lycée auprès des autorités judiciaires. Les dommages consécutifs à cette manifestation, en l'espèce l'effondrement d'une balustrade ayant blessé un mineur, ne sont par suite pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat en application des dispositions précitées.


Références :

Loi 83-8 du 07 janvier 1983 art. 92
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2000, n° 203546
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Stefanini
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:203546.20000519
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