Vu la requête enregistrée le 8 septembre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude X..., demeurant ... à Hauteville-Lès-Dijon (021121) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 27 juin 1997 par laquelle le conseil supérieur de l'éducation statuant en matière contentieuse et disciplinaire a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 1996 du conseil de l'éducation nationale de l'académie de Dijon prononçant à son encontre une interdiction temporaire de diriger un établissement libre d'enseignement secondaire ;
2°) d'annuler ladite décision du conseil de l'éducation nationale de l'académie de Dijon ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme minimum de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 mars 1850 ;
Vu la loi n° 85-1469 du 31 décembre 1985 ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 ;
Vu le décret n° 90-468 du 7 juin 1990 ;
Vu le décret n° 97-232 du 13 mars 1997 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas , Auditeur,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. Claude X...,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la décision du 27 juin 1997 du conseil supérieur de l'éducation sanctionnant M. X..., en énonçant qu'elle a été rendue après une audience publique et un délibéré non public, ne comporte aucune contradiction ; que, contrairement à ce qui est soutenu par l'intéressé, cette décision mentionne la date de l'audience et celle de son prononcé ;
Considérant que selon l'article 21 du décret du 7 juin 1990 susvisé, dans sa rédaction issue du décret du 13 mars 1997 applicable à la date de l'audience dont il s'agit : "Les séances du conseil statuant en matière contentieuse et disciplinaires sont publiques. Toutefois, le président peut d'office, ou à la demande de toute personne intéressée, interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque la protection d'un secret protégé par la loi le justifie" ; qu'il n'est pas établi que l'une ou l'autre de ces conditions se trouvait réunie lors de l'audience du 27 juin 1997 du conseil supérieur de l'éducation ; que par suite, et en tout état de cause, le requérant ne saurait soutenir que le caractère public de la séance entache d'irrégularité la décision attaquée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement ..." ; qu'en outre, aux termes de l'article 26 du décret du 7 juin 1990 susvisé : "Les décisions sont notifiées par le ministre par l'intermédiaire des recteurs d'académie, chanceliers des universités ou, dans les cas prévus au 3° de l'article 15, des préfets. Une expédition destinée à la partie est jointe à la notification. Les décisions en matière contentieuse et en matière disciplinaire sont publiées au bulletin officiel de l'éducation nationale. Toutefois, en matière disciplinaire, mention n'est faite au bulletin du nom des parties que dans le cas où la peine prononcée est l'interdiction absolue d'enseigner ou de diriger" ;
Considérant que lorsque le conseil supérieur de l'éducation se prononce sur une affaire concernant un chef d'établissement d'enseignement privé et pouvant avoir pour conséquence la remise en cause, pour ce salarié de droit privé, de la faculté d'exercer sa profession, cette juridiction tranche une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette stipulation est, par suite, applicable à la procédure contentieuse dont il s'agit ; que la publication au bulletin officiel de l'éducation nationale prévue en la matière par les dispositions précitées du décret du 7 juin 1990, qui permet l'accès du public aux décisions du Conseil supérieur tout en tenant compte des effets qu'elles pourraient comporter pour les intéressés, assure la publicité de ces décisions dans les conditions et garanties prévues par l'article 6-1 de la convention précitée ; qu'il suit de là que la décision attaquée, qui a été publiée au bulletin officiel de l'éducation nationale du 18 septembre 1997, n'a pas été prise en méconnaissance de cette convention ;
Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi susvisée du 15 mars 1850 : "Tout chef d'établissement libre d'enseignement secondaire, toute personne attachée à l'enseignement ou à la surveillance d'une maison d'éducation peut, sur la plainte du ministère public ou du recteur, être traduit pour cause d'inconduite ou d'immoralité, devant le conseil académique et être interdit de sa profession à temps ou à toujours, sans préjudice des peines encourues pour crimes ou délits prévus par le code pénal" ; que la compétence disciplinaire confiée aux conseils académiques par ces dispositions a été transférée aux conseils de l'éducation nationale par la loi susvisée du 31 décembre 1985, un recours contre les décisions de ces conseils pouvant être exercé devant le conseil supérieur de l'éducation ;
Considérant qu'en jugeant que les faits reprochés à M. X..., qui a laissé publier dans la revue du collège dont il assurait la direction un article attaquant violemment les personnes de religion musulmane immigrées d'Afrique du Nord, constituaient un manquement aux obligations de sa charge entrant dans le champ d'application des dispositions précitées de la loi du 15 mars 1850, le conseil supérieur de l'éducation n'a pas donné aux faits dont il s'agit une qualification juridique erronée ;
Considérant qu'en l'espèce le conseil supérieur de l'éducation n'a pas fondé sa décision sur la circonstance qu'une faute lourde, d'ailleurs non exigée par les dispositions précitées, aurait été commise par M. X... ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le conseil supérieur aurait à tort estimé que les faits reprochés étaient constitutifs de faute lourde ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'en relevant notamment que le conseil de l'éducation nationale de Dijon avait exactement proportionné la sanction infligée à M. X... à la gravité de la faute commise par ce dernier, le conseil supérieur de l'éducation n'a, en tout état de cause, entaché sur ce point sa décision d'aucune erreur de droit ; qu'en relevant certains faits qui étaient de nature, selon lui, à atténuer la responsabilité de l'intéressé, le conseil supérieur s'est borné, sans entacher sa décision de contradiction de motifs, à appliquer lui-même le principe invoqué par M. X..., selon lequel toute sanction doit être proportionnée à la gravité de la faute ; que le conseil supérieur a suffisamment motivé sa décision en énonçant, après avoir rappelé les principaux éléments de l'affaire, que la sanction infligée par le conseil de l'éducation nationale de Dijon était en rapport avec les faits reprochés ; qu'il s'est livré, ce faisant, à une appréciation souveraine des faits qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler ;
Considérant, enfin, que les moyens relatifs à la régularité de la procédure suivie devant le conseil de l'éducation nationale de l'académie de Dijon, préalablement à la décision qu'il a prise à l'encontre de M. X... et qui a été confirmée par le conseil supérieur de l'éducation le 27 juin 1997, sont nouveaux en cassation et ne sont pas d'ordre public ; que ces moyens ne sont, par suite, pas recevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 27 juin 1997 du conseil supérieur de l'éducation ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X... et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.