Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 novembre 1998 et 23 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 23 septembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 6 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 1993 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui refusant l'autorisation d'exercer une activité professionnelle dans des locaux sis ... ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment son article L.631-7 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a sollicité l'autorisation d'affecter à l'exercice de sa profession d'expertcomptable deux des trois pièces d'un appartement dont il est propriétaire au ..., pour y établir un cabinet secondaire en sus de son cabinet principal sis à Lille ; que l'intéressé réside quelques jours par semaine dans son appartement parisien tout en ayant sa résidence principale à Lille ; que l'autorisation demandée a été refusée par une décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, du 10 mai 1993 ;
Considérant que M. X... défère au Conseil d'Etat l'arrêt en date du 23 septembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet ;
Considérant qu'en vue de maintenir ou d'augmenter le nombre de logements disponibles à Paris et dans certaines villes, le code de la construction et de l'habitation dispose dans son article L. 631-7 que : " ... 1° Les locaux à usage d'habitation ne peuvent être ( ...) affectés à un autre usage ( ...)" ; que toutefois, le troisième alinéa du même article énonce que : "Le représentant de l'Etat dans le département peut autoriser l'exercice, sous certaines conditions, dans une partie d'un local d'habitation, d'une profession qui ne puisse à aucun moment revêtir un caractère commercial si ce local constitue en même temps la résidence du demandeur" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'affecter partiellement à l'exercice d'une profession libérale un local d'habitation est subordonnée à la condition que le demandeur y réside effectivement sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction que la loi ne prévoit pas, suivant que la résidence a le caractère d'une résidence principale ou secondaire ; qu'il suit de là qu'en jugeant, pour admettre la légalité du refus opposé à M. X..., que l'occupation professionnelle de deux des trois pièces faisait obstacle à l'usage à titre de résidence normale de l'appartement parisien, l'arrêt attaqué, qui a ainsi subordonné le bénéfice des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation à un usage des locaux à titre de résidence principale, est entaché d'erreur de droit ; qu'il doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. X... réside quelques jours par semaine dans l'appartement parisien où il a installé soncabinet secondaire ; que, pour les motifs indiqués ci-dessus, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé d'annuler la décision du 10 mai 1993 qui lui avait refusé l'autorisation sollicitée au motif que l'appartement en cause ne constituait pas sa résidence principale ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 12 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 septembre 1997 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 1995 et la décision du 10 mai 1993 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X..., au préfet de la région Ilede-France, au préfet de Paris et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.