Vu 1°), sous le n° 197060, la requête enregistrée le 8 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF, dont le siège est 9, rue du G n,ral Chassereau à Bain-de-Bretagne (35470), représentée par son président ; la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF demande que le Conseil d'Etat :
- annule la délibération, en date du 7 avril 1998, portant avertissement, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- condamne la commission nationale à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 197061, la requête enregistrée le 8 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le G.I.E. FEDERAL SERVICE, dont le siège est ... à Le Relecq-Kerhuon (29480), représenté par son directeur ; le G.I.E. FEDERAL SERVICE demande que le Conseil d'Etat :
- annule la délibération, en date du 7 avril 1998, portant avertissement, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- condamne la commission nationale à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mochon, Auditeur,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête n° 197060 présentée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF et la requête n° 197061 présentée par le G.I.E. FEDERAL SERVICE sont dirigées contre la même délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en date du 7 avril 1998 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : "Est dénommé traitement automatisé d'informations nominatives au sens de la présente loi tout ensemble d'opérations réalisées par des moyens automatiques, relatif à la collecte, l'enregistrement, l'élaboration, la modification, la conservation et la destruction d'informations nominatives ainsi que tout ensemble d'opérations de même nature se rapportant à l'exploitation de fichiers ou bases de données et notamment les interconnexions ou rapprochements, consultations ou communications d'informations nominatives." ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : "Une Commission nationale de l'informatique et des libertés est instituée. Elle est chargée de veiller au respect des dispositions de la présente loi, notamment en informant toutes les personnes concernées de leurs droits et obligations, en se concertant avec elles et en contrôlant les applications de l'informatique aux traitements des informations nominatives." ; qu'aux termes de l'article 21 de la même loi : "Pour l'exercice de la mission de contrôle, la commission : 1° prend des décisions individuelles ou réglementaires dans les cas prévus par la présente loi ; 2° peut, par décision particulière, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents ( ...), de procéder, à l'égard de tout traitement, à des vérifications sur place et de se faire communiquer tous renseignements et documents utiles à sa mission ; ( ...) 4° adresse aux intéressés des avertissements et dénonce au parquet les infractions dont elle a connaissance, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale ; ( ...) 6° reçoit les réclamations, pétitions et plaintes ; ..." ;
Considérant que la Commission nationale de l'informatique et des libertés qui avait été saisie par des clients de la Caisse de Crédit Mutuel de Bain-Tresboeuf a fait procéder par celui de ses membres qu'elle avait désigné comme rapporteur de cette plainte et par certains de ses agents, à une vérification sur place des traitements automatisés du fichier des clients de cette caisse ; qu'à la suite de cette vérification la Commission nationale de l'informatique et des libertés, par la décision attaquée du 7 avril 1998, a rappelé à la caisse les règles relatives aux informations nominatives, lui a demandé de procéder dans un délai d'un mois à l'effacement des informations contraires à ces règles et, faisant application du 4° de l'article 21 de la loi du 6 janvier 1978, lui a adressé un avertissement ;
Sur les moyens tirés de ce que le rapporteur a participé à l'adoption de la décision attaquée :
Considérant, d'une part, que la décision attaquée n'émane pas d'un tribunal au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à invoquer la méconnaissance de ces stipulations ;
Considérant, d'autre part, que la participation du rapporteur au débat et au vote qui ont conduit à l'adoption de la délibération attaquée n'a constitué une méconnaissance ni du principe d'impartialité ni de celui des droits de la défense ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'après que la Commission nationale de l'informatique et des libertés lui eut donné communication tant de la plainte dont elle avait été saisie que de sa décision de procéder à une vérification sur place en application du 2° de l'article 21 précité de la loi du 6 janvier 1978, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF a informé la commission nationale de ce que le traitement des dossiers de son fichier était assuré de façon centralisée, au niveau régional, par le G.I.E. FEDERAL SERVICE ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que la déclaration du fichier auprès de la commission nationale avait été faite par la Caisse régionale de Crédit Mutuel de Bretagne ; que, par suite, alors même que la notification des griefs de la plainte et celle de la décision de la commission nationale de procéder à une vérification sur place n'avaient été adressées qu'à la caisse locale, la circonstance que cette vérification a eu lieu aussi au siège du G.I.E. FEDERAL SERVICE, qui en avait été prévenu préalablement, n'a pas entaché la procédure d'irrégularité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants ont eu connaissance des griefs qui leur étaient faits ainsi que du compte-rendu de la vérification sur place et qu'ils ont fait connaître leurs observations préalablement à la délibération attaquée ; qu'ils n'ont pas demandé à être entendus, comme le permettait le règlement intérieur de la commission nationale ; qu'aucune disposition n'imposait la communication préalable du rapport présenté à la commission ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que le principe du caractère contradictoire de la procédure n'aurait pas été respecté ne peuvent être accueillis ;
Considérant que les données contenues dans la zone "bloc-notes" du fichier des clients de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF, géré de façon centralisée par le G.I.E. FEDERAL SERVICE, faisaient l'objet d'un traitement automatisé d'informations nominatives, au sens des dispositions de l'article 5 précité de la loi du 6 janvier 1978 ; que la commission nationale n'a pas méconnu ces dispositions en demandant à la caisse, par la délibération attaquée portant avertissement, de procéder à l'effacement de celles des informations nominatives qui n'étaient pas "pertinentes, adéquates et non-excessives" au regard de la finalité du traitement ; Considérant que les modalités selon lesquelles la délibération attaquée a été notifiée ou portée à la connaissance de la presse sont sans incidence sur sa légalité ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer aux requérants les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF et du G.I.E. FEDERAL SERVICE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BAIN-TRESBOEUF, au G.I.E. FEDERAL SERVICE, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et au Premier ministre.