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27/10/1999 | FRANCE | N°205995;205996

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 27 octobre 1999, 205995 et 205996


Vu, 1°) sous le n° 205995, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1999, présentée par M. Alain A..., demeurant à Sant'Antonino (20220) ; M. A... demande que le Conseil d'Etat annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 7 et 14 mars 1999 en vue de l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
Vu, 2°) sous le n° 205996, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1999, présentée par M. E...
B..., élisant domicile au groupe scolaire de Ghisonaccia (

20240) ; M. B... demande que le Conseil d'Etat annule l'ensemble des opér...

Vu, 1°) sous le n° 205995, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1999, présentée par M. Alain A..., demeurant à Sant'Antonino (20220) ; M. A... demande que le Conseil d'Etat annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 7 et 14 mars 1999 en vue de l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
Vu, 2°) sous le n° 205996, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1999, présentée par M. E...
B..., élisant domicile au groupe scolaire de Ghisonaccia (20240) ; M. B... demande que le Conseil d'Etat annule l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 7 et 14 mars 1999 en vue de l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code électoral ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. Jean Y...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les protestations susvisées tendent à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 7 et 14 mars 1999 en vue de l'élection des membres de l'assemblée de Corse ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne l'application de l'article R. 60 du code électoral :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 60 du code électoral : "Les électeurs des communes de plus de 5 000 habitants doivent présenter au président du bureau, au moment du vote, en même temps que la carte électorale ( ...) un titre d'identité ; la liste des titres valables est établie par arrêté" ; que cet arrêté a été pris par le ministre de l'intérieur le 24 septembre 1998 ;
Considérant, en premier lieu, que l'article L. 62 du code électoral prévoit que l'électeur "fait constater son identité suivant les règles et usages établis" ; que, contrairement à ce que soutiennent les protestataires, ces dispositions permettaient au pouvoir réglementaire de prévoir les modalités selon lesquelles, dans les communes de plus de 5 000 habitants, les membres du bureau de vote s'assurent de l'identité de l'électeur ; que les auteurs de l'article R. 60 du code pouvaient, sans procéder à une subdélégation illégale, renvoyer à un arrêté du ministre de l'intérieur le soin de fixer la liste des titres permettant aux électeurs de justifier de leur identité ; qu'ainsi, les protestataires ne sont pas fondés à soutenir que les électeurs de Bastia et d'Ajaccio qui ne pouvaient justifier de leur identité dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 60 du code électoral et de l'arrêté du 24 septembre 1998 ont été empêchés de voter en application de dispositions illégales ;
Considérant, en second lieu, que, s'il est soutenu que, dans d'autres bureaux de vote des mêmes communes, des électeurs auraient été admis à voter sans qu'il ait été procédé à la vérification de leur identité dans les conditions prévues à l'article R. 60 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que ces personnes aient voté sous une fausse identité ;
En ce qui concerne les émargements :
Considérant que les protestataires soutiennent que "dans les bureaux de très nombreuses communes (notamment mais non exclusivement celles d'Alata, Aleria, Biguglia, Bonifacio, Borgo, Calvi, Corte, Ghisonaccia, Furiani, L'Ile Rousse, Lucciana, Monticello, Pietralba, Porticcio, Porto-Vecchio, Propriano, San Martino-di-Lota, Sartène et Ville-diPietrabugno)", un nombre "significatif" de signatures ne permettent pas de garantir l'authenticité du vote ; que ce grief qui n'est assorti d'aucune précision de nature à en établir le bien-fondé ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les bulletins qui n'ont pas été pris en compte dans le résultat du dépouillement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.66 du code électoral : "Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. / Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. / Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion. / Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin" ;
Considérant que les protestataires soutiennent, en premier lieu, que dans les bureaux de vote des dix-neuf communes ci-dessus mentionnées, ainsi que des communes de Bastia et d'Ajaccio, les bulletins non comptabilisés dans le résultat du dépouillement n'auraient pas été annexés aux procès-verbaux ; qu'ils n'assortissent toutefois d'aucune précision ce grief exposé en termes très généraux, alors que les vingt-et-une communes concernées regroupent plus de la moitié des électeurs de Corse, et n'indiquent notamment, ni le tour de scrutin visé, ni ceux des bureaux de vote desdites communes dans lesquels les bulletins nuls n'auraient pas été annexés aux procès-verbaux ; que, de surcroît, ils n'invoquent aucun élément de nature à établir que les bulletins prétendûment non annexés auraient été annulés à tort et n'allèguent pas que cette prétendue méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 66 du code électoral aurait eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin, alors que le troisième alinéa du même article dispose, comme il a été dit ci-dessus, que "si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin" ; que, dans ces conditions, le grief exposé par les protestataires doit être rejeté ;
Considérant, de même, en deuxième lieu, que si les protestataires allèguent que "dans les autres communes", c'est-à-dire dans plus de trois cents bureaux de vote, les bulletins annexés aux procès-verbaux n'auraient pas été paraphés par les membres du bureau et ne feraient pas mention des causes de leur annexion, cette simple affirmation, qui n'est assortie d'aucune précision, n'est pas de nature à jeter un doute sur les résultats de l'élection, alors surtout que les protestataires ne contestent pas l'authenticité des bulletins annexés aux procès-verbaux ;
Considérant, en troisième lieu, que le grief tiré de ce que certains bulletins auraient été à tort regardés comme comportant un signe de reconnaissance n'est assorti d'aucune précision de nature à en établir le bien fondé ;

Considérant, enfin, qu'en vertu de l'article R. 197 du code électoral, applicable en ce qui concerne les élections des conseillers à l'Assemblée de Corse, les circulaires utilisées comme bulletins n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ; qu'ainsi, à supposer établies les allégations des protestataires selon lesquelles un nombre élevé d'électeurs auraient voté en utilisant une profession de foi d'une des listes en présence, le grief tiré de ce que lesdits suffrages auraient été à tort considérés comme nuls ne peut, en tout état de cause, être acueilli ;
En ce qui concerne le vote par procuration :
Considérant, en premier lieu, que le grief tiré de ce que le procès-verbal dubureau centralisateur de la commune d'Ajaccio n'aurait pas fait mention du nombre de votes par procuration manque en fait, tant en ce qui concerne le premier tour que le second ;
Considérant, en second lieu, que le grief tiré de l'irrégularité de certains votes par procuration n'est recevable que s'il est assorti, dans le délai de saisine du juge de l'élection, de précisions suffisantes ; qu'en l'espèce, les protestataires se sont bornés, dans le délai de dix jours prévu par l'article L. 381 du code électoral, à soutenir, d'une part, qu'un grand nombre de procurations auraient été dressées à la demande de mandants ne se trouvant pas dans l'un des cas d'empêchement limitativement énumérés à l'article L. 71 du code électoral et, d'autre part, que les mentions prévues par l'article R. 76 du code électoral n'auraient pas été portées sur les listes d'émargement ; qu'ils n'ont apporté aucune précision au soutien de ce grief énoncé en termes généraux, se bornant à faire état d'un "survol" des listes d'émargement, sans mentionner les bureaux de vote concernés, ni les noms des électeurs dont ils entendaient contester le suffrage ; que M. A... n'a apporté ces éléments de fait, d'ailleurs réduits à un très faible nombre de votes par procuration, soit quatre pour le premier tour et neuf pour le second tour, dans le seul bureau de vote de la commune de Sant'Antonino, qu'après l'expiration du délai de recours ; qu'ainsi, le grief relatif aux votes par procuration est irrecevable et doit être écarté ;
En ce qui concerne la régularité des inscriptions sur les listes électorales :
Considérant qu'en l'absence de manoeuvre dont l'existence n'est pas établie en l'espèce, il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier le bien-fondé d'inscriptions ou de refus d'inscription sur les listes électorales ; que si les auteurs de la protestation demandent au Conseil d'Etat de tirer les conséquences de jugements de l'autorité judiciaire établissant, à la date de la présente décision, l'illégalité d'inscriptions, de refus d'inscription ou de radiations de la liste électorale, ils ne produisent aucune décision juridictionnelle se prononçant en ce sens ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par M. A..., que les protestataires ne sont pas fondés à demander l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 7 et 14 mars 1999 en vue de l'élection des membres de l'assemblée de Corse ;
Article 1er : Les protestations de M. A... et de M. B... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A..., à M. E...
B..., à M. Jean Y..., à M. Emile F..., à M. Jean-Guy D..., à M. Simon C..., à M. Pierre Philippe Z..., à M. Toussaint B..., à M. Jean Louis X..., à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 205995;205996
Date de la décision : 27/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-08-05-02-03,RJ1,RJ2 ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - GRIEFS - GRIEFS IRRECEVABLES -Grief nouveaux - Existence - Grief relatif aux votes par procuration énoncé en termes généraux et au soutien duquel des éléments de fait n'ont été apportés qu'après l'expiration du délai de protestation (1) (2).

28-08-05-02-03 Le grief tiré de l'irrégularité de certains votes par procuration n'est recevable que s'il est assorti, dans le délai de saisine du juge de l'élection, de précisions suffisantes. Est irrecevable un grief relatif aux votes par procuration énoncé en termes généraux sans mention des bureaux de vote concernés, ni des noms des électeurs dont les suffrages sont contestés et au soutien duquel des éléments de fait n'ont été apportés qu'après l'expiration du délai de protestation.


Références :

Arrêté du 24 septembre 1998
Code électoral R60, L62, L66, annexe, R197, L381, L71, R76

1. Ab. jur. 1990-03-07, Elections municipales de Cahors, T. p. 803. 2.

Rappr. 1999-10-06, Elections cantonales de Champeix, à mentionner aux Tables


Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 1999, n° 205995;205996
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Ribadeau Dumas
Rapporteur public ?: M. Honorat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:205995.19991027
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