Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pierre Y..., demeurant ... ; M. N'GUYEN demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 10 janvier 1996 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 1992 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Nord a maintenu la décision de récupération, dans la limite de l'actif net successoral, sur la succession de M. Von X... N'Guyen des sommes versées par le département du Nord au titre de l'aide sociale aux personnes âgées pour son placement en maison de cure médicale du 16 février 1983 au 4 juillet 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 61-495 du 15 mai 1961 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié notamment par le décretn° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Balat, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale : "( ...) Le demandeur, accompagné de la personne ou de l'organisme de son choix, est entendu lorsqu'il le demande" ; que cette disposition impose à la commission centrale d'aide sociale de mettre les intéressés en mesure d'exercer la faculté qui leur est reconnue ; qu'à cet effet, la commission doit, soit avertir le requérant de la date de la séance à laquelle son recours sera examiné, soit l'inviter à l'avance à lui faire connaître s'il a l'intention de présenter des explications verbales pour qu'en cas de réponse affirmative de sa part, elle l'avertisse ultérieurement de la date de la séance ; qu'aucune de ces formalités n'a été accomplie en l'espèce ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. Jean-Pierre N'GUYEN est fondé à soutenir que la commission a statué à la suite d'une procédure irrégulière et à demander, par ce motif, l'annulation de la décision attaquée du 10 janvier 1996 ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ( ...)" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale : "Des recours sont exercés par le département ( ...) a) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire" ; qu'en vertu de l'article 148 du même code : "Pour la garantie des recours prévus à l'article 146 ci-dessus, les immeubles appartenant aux bénéficiaires de l'aide sociale sont grevés d'une hypothèque légale, dont l'inscription est requise par ( ...) le président du conseil général dans les conditions prévues à l'article 2148 du code civil ( ...) L'hypothèque prend rang, à l'égard de chaque somme inscrite, à compter de la date de l'inscription correspondante" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Von X... N'Guyen a été hébergé du 16 février 1983 au 4 juillet 1986, date de son décès, dans une maison de cure médicale ; que les frais afférents à son hébergement, d'un montant total de 118 263, 32 F, ont été pris en charge par le département du Nord, au titre de l'aide sociale aux personnes âgées ; que, par une décision du 7 avril 1991, confirmée par la commission départementale d'aide sociale sur recours de M. Jean-Pierre N'GUYEN, fils et unique héritier du défunt, la commission d'admission de Lille-Ouest a autorisé le président du conseil général du Nord à procéder à la récupération d'une somme de 100 000 F sur la succession de M. N'Guyen ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des règles gouvernant l'exercice du recours en récupération sur succession prévu par les dispositions précitées de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale que celui-ci ne peut être effectué que dans la limite de l'actif net successoral ; que, pour l'application de ces règles, celui-ci correspond à la valeur des biens transmis par le défunt, déduction faite, notamment, des dettes à sa charge au jour d'ouverture de la succession, des legs particuliers, des frais funéraires et des droits de mutation ; qu'il appartient par ailleurs à la commission d'admission compétente pour autoriser ou refuser la récupération, et, le cas échéant, aux juridictions de l'aide sociale, en leur qualité de juges de plein contentieux, de prendre en considération, pour apprécier le bien-fondé de l'action engagée par la collectivité publique et pour fixer le montant de la récupération, l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de leur décision ; qu'il leur incombe en particulier de tenir compte, le cas échéant, des recours en récupération qui ont été d'ores et déjà exercés par d'autres collectivités publiques pour le recouvrement de créances d'aide sociale, notamment lorsque celles-ci étaient garanties par une hypothèque prise sur les biens immobiliers du bénéficiaire de l'aide sociale décédé, en application des dispositions précitées de l'article 148 du code de la famille et de l'aide sociale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la valeur des biens transmis par M. Von X... N'Guyen, à savoir la moitié indivise d'une maison ainsi que du mobilier, se montait au jour de l'ouverture de sa succession à 105 000 F ; que doivent être déduits de cette somme les frais d'obsèques, à hauteur de 7 000 F, ainsi que la taxe foncière acquittée au titre des années 1985 et 1986, à hauteur de 6 000 F ; que l'actif net successoral atteignait ainsi la somme de 92 000 F, dont devait être retranchée une somme de 27 900 F correspondant au montant récupéré, en juin 1990, par le département du Maine-et-Loire, au titre d'une créance d'aide sociale, pour laquelle ce département avait pris, en 1983, une hypothèque sur la maison appartenant à. M. Von X... N'Guyen ; que, toutefois, dans le dernier état de ses écritures, le département du Nord limite ses prétentions à la somme de 32 595 F ; qu'ainsi, il y a lieu de fixer à 32 595 F le montant de la somme pouvant être récupérée par le département du Nord sur la succession de M. Von X... N'Guyen ; que, par suite, M. Jean-Pierre N'GUYEN est fondé à demander la réformation de la décision de la commission d'admission de Lille-Ouest autorisant la récupération d'une somme de 100 000 F sur la succession de son père ;
Article 1er : Sont annulées la décision de la commission centrale d'aide sociale du 10 janvier 1996, la décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord du 23 septembre 1992, ensemble la décision de la commission d'admission de Lille-Ouest du 7 avril 1991.
Article 2 : Le département du Nord est autorisé à récupérer une somme de 32 595 F sur la succession de M. Von X... N'Guyen.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. Jean-Pierre N'GUYEN est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre N'GUYEN, au département Nord et au ministre de l'emploi et de la solidarité.