Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 1992 et 31 mars 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 20 octobre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 22 mars 1991 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Collin, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 81 du code général des impôts : "Sont affranchis de l'impôt : ... 8°) les indemnités temporaires, prestations et rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail ou à leurs ayants-droit" ; que le champ d'application de cette disposition, issue de la loi du 27 décembre 1927, s'étend aux indemnités temporaires, prestations et rentes viagères qui ont pour seul objet la couverture des conséquences dommageables d'un accident du travail ou d'un accident de service, d'une maladie professionnelle ou d'une maladie contractée en service, et qui sont allouées au titre des régimes obligatoires de sécurité sociale ; que lorsque la victime de l'accident, compte tenu notamment du lieu où elle exerce son activité professionnelle, n'entre pas dans le champ d'un régime obligatoire de sécurité sociale couvrant le risque d'accident du travail, l'indemnité ou la rente qui lui est versée en exécution d'une assurance souscrite volontairement auprès d'une caisse de sécurité sociale ou d'une compagnie d'assurance est également exonérée de l'impôt sur le revenu dans la limite des prestations servies, à rémunération et taux d'incapacité identiques, par les régimes obligatoires de sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Lyon a fait une inexacte application des dispositions précitées en jugeant que la rente qui, à la suite d'un accident du travail survenu le 21 juin 1978 au Gabon, a été servie à M. X... en exécution d'un contrat d'assurance de groupe souscrit par son employeur était, nonobstant la circonstance que l'intéressé ne pouvait pas être affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale, exclue, pour l'intégralité de son montant, du bénéfice de l'exonération prévue par le 8°) de l'article 81 du code général des impôts ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que M. X..., salarié expatrié, ne pouvait, de ce fait, être affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale ; qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise qui employait M. X... a souscrit auprès d'une compagnie d'assurance, au profit de ses salariés expatriés, un contrat de groupe couvrant les risques d'accident du travail et de maladie professionnelle et prévoyant, notamment, en cas d'incapacité permanente de travail, évaluée d'après les critères de la sécurité sociale française, le paiement d'une rente viagère ; qu'en exécution de ce contrat, M. X..., qui souffre d'une incapacité professionnelle permanente de 100 % consécutive à l'accident du travail dont il a été victime en 1978, a perçu, à compter du 1er janvier 1981, une rente égale à 85 % de sa rémunération et revalorisée selon les coefficients applicables aux pensions servies par la sécurité sociale française, dont le montant s'élevait pour l'année 1984, compte tenu des revalorisations opérées, à 181 501 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la rente perçue par M. X... en 1984 doit être exonérée de l'impôt sur le revenu dans la limite du montantde la prestation qui aurait été servie, compte tenu de son taux d'incapacité permanente et de sa rémunération, à un affilié du régime général de la sécurité sociale, soit 158 312 F ; que, par suite, et compte tenu de ses autres revenus, le revenu net imposable en France de M. X..., qui bénéficie de 3,5 parts de quotient familial, s'élève, pour 1984, à 31 813 F ; qu'il n'est ainsi pas redevable de l'impôt sur le revenu au titre de cette année ;
Considérant que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti, au titre de l'année 1984 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 13 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 20 octobre 1992 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 mars 1991 sont annulés.
Article 2 : M. X... est déchargé de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 13 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.