Vu la requête enregistrée le 27 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etatprésentée par MINISTRE DE L'INTERIEUR demeurant 13, PLACE BEAUVAU à Paris (75800) ; MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M. Bouchta Charif, l'arrêté du 15 novembre 1993 par lequel le préfet du Nord a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. Charif ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Charif devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. Bouchta Charif,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 : "Il est institué dans chaque département une commission du séjour des étrangers ... Cette commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser ( ...) : - la délivrance d'une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 de la présente ordonnance" ; qu'aux termes de l'article 15 de la même ordonnance: "Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour et, pour les cas mentionnés aux 1° à 5° du présent article, de celle de l'entrée sur le territoire français : 1° à l'étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé ..."
Considérant qu'en estimant que M. Charif devait être regardé comme un étranger mentionné au 1° de l'article 15 précité du seul fait que son mariage contracté en 1988 avec une ressortissante française n'avait pas été dissous, alors même que toute communauté de vie entre les époux aurait cessé, et que par suite le préfet ne pouvait lui opposer un refus de séjour sans consulter la commission susmentionnée, le tribunal administratif de Lille a fait une inexacte application des dispositions de l'article 18 bis précité ; que c'est dès lors à tort qu'il s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du préfet du Nord du 15 novembre 1993 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Charif ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Charif devant le tribunal administratif de Lille et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il ressort des témoignages produits par M. Charif lui-même devant les premiers juges que l'intéressé et son épouse de nationalité française ont cessé d'avoir une résidence commune dans le courant de l'année 1989 ; que M. Charif a indiqué, selon les termes mêmes du mémoire qu'il a produit devant le tribunal administratif, s'être séparé de son épouse en septembre 1989 ; que dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de fait sur la situation familiale de M. Charif, celui-ci n'est pas fondé à soutenir devant le Conseil d'Etat qu'une communauté de vie avec son épouse aurait subsisté à la date de la décision attaquée et qu'il relevait ainsi du 1°/ de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du séjour ne peut qu'être rejeté ;
Considérant que le préfet du Nord a pu légalement refuser de délivrer une carte de résident à M. Charif nonobstant la circonstance que la durée de la vie commune des époux avait été supérieure à un an ; qu'en examinant également la demande de M. Charif au regard des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatif aux cartes de séjour temporaires, le préfet n'a nullement entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant que si M. Charif est le père d'un enfant né en France de ses relations avec Mme S., la décision attaquée n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte excessive au droit de M. Charif au respect de sa vie familiale et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Nord rejetant la demande de titre de séjour de M. Charif ;
Article 1er : Le jugement du 19 janvier 1995 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Charif devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Bouchta Charif.