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30/12/1998 | FRANCE | N°151108

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 30 décembre 1998, 151108


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août et 16 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement, dont le siège est ... ; la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 28 février 1992 du tribunal administratif de Paris qui avait rejeté le recours du ministre des affaires étrangères tendant à ce qu'elle soit condamnée à payer à l'E

tat une somme de 1 207 145,15 F, assortie des intérêts au taux légal ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août et 16 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement, dont le siège est ... ; la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 28 février 1992 du tribunal administratif de Paris qui avait rejeté le recours du ministre des affaires étrangères tendant à ce qu'elle soit condamnée à payer à l'Etat une somme de 1 207 145,15 F, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 1989 et de la capitalisation des intérêts échus à compter du 24 avril 1990, ainsi qu'une somme de 100 000 F, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, et l'a condamnée à payer à l'Etat la somme de 1 207 145,15 F, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande du ministre des affaires étrangères, les intérêts échus le 13 octobre 1992 étant capitalisésà compter de cette date ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Guillenchmidt, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement,
- et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du ministre des affaires étrangères,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société "Comptoir général du Bâtiment" (C.G.B.), qui, en vertu d'un marché conclu le 29 avril 1988, dont le montant, modifié par un avenant du 13 juin 1988, s'élevait à 24 142 903 F, avait été chargée par l'Etat de la construction d'un institut culturel français à Budapest (Hongrie), a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Créteil du 11 avril 1989, à la suite duquel, avec l'autorisation du juge-commissaire, l'exécution des travaux restant à effectuer au titre de ce marché a été confiée à une autre entreprise ; qu'aux termes du décompte général, établi et accepté par le liquidateur de la société CGB, le 15 juin 1989, le montant des prestations effectivement réalisées à cette date par la société a été fixé à 1 873 641,13 F ; que le même décompte a fait apparaître qu'à la date de sa mise en liquidation judiciaire, la société CGB avait perçu, au titre de l'avance forfaitaire prévue par l'article 154 du code des marchés publics, une somme de 1 690 003,21 F, et à titre d'acomptes, une somme de 1 850 020,42 F, et que le total de ces deux sommes, s'élevant à 3 540 023,63 F, excédait de 1 666 382,50 F le montant des prestations qu'elle avait fournies ; qu'en conséquence, le ministre des affaires étrangères a mis en demeure la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement, qui, par acte du 14 novembre 1988, s'était portée caution personnelle et solidaire de la société CGB, pour une somme de 1 207 145,15 F, "en remplacement" du cautionnement, égal à 5 % du montant, ci-dessus mentionné, du marché, que le titulaire de ce dernier avait été invité à fournir, en vertu des dispositions, alors applicables, de l'article 125 du code des marchés publics, de verser à l'Etat cette de 1 207 145,15 F ; que la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement ayant refusé d'effectuer ce paiement, le ministre des affaires étrangères a demandé au tribunal administratif de Paris de l'y condamner ; que la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement se pourvoit contre les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 juin 1993, qui ont fait droit à ces conclusions du ministre, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 février 1992, qui les avait rejetées ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'en relevant qu'elle avait été régulièrement saisie "par la voie d'un télex enregistré au greffe le 7 août 1992, avant l'expiration du délai d'appel", la cour administrative d'appel a suffisamment répondu et sans se fonder sur des faits matériellementinexacts, au moyen tiré par la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement de la prétendue tardiveté de l'appel formé par le ministre des affaires étrangères contre le jugement du tribunal administratif du 18 février 1992 ;

Sur le bien fondé de l'arrêt :
Considérant qu'alors même qu'il lui appartenait d'émettre un état exécutoire pour le recouvrement de la somme, déjà mentionnée, de 1 207 145,15 F à l'encontre de la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement, en tant que caution de la société CGB, le ministre des affaires étrangères était recevable à demander au tribunal administratif de Paris de la condamner au paiement de cette créance, qui trouve son fondement dans un contrat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 125 du code des marchés publics, dans sa rédaction antérieure à celle qui lui a été donnée par le décret n° 921310 du 15 décembre 1992 : "Tout titulaire d'un marché peut être tenu de fournir un cautionnement en garantie de la bonne exécution du marché et du recouvrement des sommes dont il serait reconnu débiteur au titre du marché" ; que l'article 131 du même code, dans la même rédaction, prévoit que "le cautionnement peut être remplacé, au gré du titulaire, par une caution personnelle et solidaire ..." ; que ce cautionnement ou cette caution personnelle et solidaire couvre, à concurrence de leur montant, l'ensemble des dettes contractuelles nées du marché, et, notamment, le remboursement de l'avance forfaitaire accordée au titulaire du marché dans les conditions fixées par l'article 154 du code ; que, toutefois, cette garantie ne s'étend pas aux avances facultatives dont le même titulaire ne peut bénéficier en application de l'article 155 qu'à la condition, exigée par ce texte, dans sa rédaction antérieure à celle que lui a donnée le décret déjà cité du 15 décembre 1992, qu'il ait au préalable constitué une caution personnelle s'engageant solidairement avec lui à les rembourser ;
Considérant qu'après avoir constaté, par une appréciation souveraine qui ne peut être discutée devant le juge de cassation, que la créance de l'Etat dont le recouvrement était poursuivi par le ministre des affaires étrangères, trouvait son origine dans un trop-perçu par la société CGB au titre des acomptes et de l'avance forfaitaire qu'elle avait reçus, la cour administrative d'appel a pu légalement juger que la somme correspondante, de 1 666 382,50 F devait, dans la limite de celle de 1 207 414,15 F pour laquelle elle s'était portée caution personnelle, en remplacement du cautionnement exigé par l'article 125 du code des marchés publics, être mise à la charge de la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement ; que le moyen tiré par celle-ci de la méconnaissance des articles 133 et 155, ci-dessus analysés, étant, en l'espèce, inopérant, la cour a pu s'abstenir d'y répondre sans entacher son arrêt d'aucune irrégularité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêt ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la caisse la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des mêmes dispositions, de condamner la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement à payer à l'Etat la somme réclamée par celui-ci, au titre de ses propres frais, non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement est rejetée.
Article 2 : La Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement paiera à l'Etat une somme de 20 000 F, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 151108
Date de la décision : 30/12/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - NANTISSEMENT ET CAUTIONNEMENT - CAUTIONNEMENT - OBLIGATIONS ET DROITS DE LA CAUTION - Cautionnement ou caution personnelle solidaire (articles 125 et 131 du code des marchés publics) - Couverture du remboursement de l'avance forfaitaire (article 154 du code des marchés publics) - Existence - Couverture du remboursement des avances facultatives (article 155 du code des marchés publics) - Absence (1).

39-05-04-02-01 Le cautionnement ou la caution personnelle et solidaire, qui peuvent être exigés du titulaire du marché en vertu des articles 125 et 131 du code des marchés publics dans leur rédaction antérieure au décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992, couvre, à concurrence de leur montant, l'ensemble des dettes contractuelles nées du marché et notamment le remboursement de l'avance forfaitaire accordée au titulaire du marché dans les conditions fixées par l'article 154 du même code. Toutefois, cette garantie ne s'étend pas aux avances facultatives dont le même titulaire ne peut bénéficier, en application de l'article 155 du même code, qu'à la condition qu'il ait, au préalable, constitué une caution personnelle s'engageant solidairement avec lui à les rembourser.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - CASSATION - Appréciation souveraine des juges du fond - Existence - Nature de la créance de l'Etat sur le titulaire d'un marché public.

39-08-04-02, 54-08-02-02-01-03 En estimant que la créance de l'Etat dont le recouvrement était poursuivi trouvait son origine dans un trop-perçu par le titulaire défaillant du marché public au titre des acomptes et de l'avance forfaitaire qu'il avait reçus, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - Nature de la créance de l'Etat sur le titulaire d'un marché public.


Références :

Code des marchés publics 154, 125, 131
Décret du 15 décembre 1992 art. 155, art. 133
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. Section, 1971-07-02, Sieur Peccoux, p. 509


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1998, n° 151108
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme de Guillenchmidt
Rapporteur public ?: Mme Bergeal
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard, SCP Piwnica, Molinié, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:151108.19981230
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