Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février 1994 et 21 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 1993 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que celle-ci a rejeté l'appel qu'il avait formé contre les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mai 1992, déchargeant la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger", à concurrence de 683 984 F en droits et de 185 506 F en pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger",
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, selon l'article 1er de la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968, relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles, "la République française exerce, conformément à la Convention de Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958, publiée par le décret n° 65-1049 du 29 novembre 1965, des droits souverains aux fins de l'exploration du plateau continental adjacent à son territoire et de l'exploitation de ses ressources naturelles ..." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 5 de la même loi : "Sous réserve des dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application, "les lois et règlements français s'appliquent ... sur les installations et dispositifs définis à l'article 3", que constituent les plates-formes, autres engins et bâtiments de mer servant ou participant aux activités d'exploration ou d'exploitation du plateau continental, "comme s'ils se trouvaient en territoire français métropolitain" ; qu'en vertu du I de l'article 209 du code général des impôts, les "bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France" par les personnes morales désignées à l'article 206 du même code sont soumis à l'impôt sur les sociétés ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, à laquelle aucune autre disposition de la loi du 30 décembre 1968 ou des textes pris pour son application n'apporte de restriction, que les bénéfices réalisés par une société dans une entreprise exploitée par elle sur des installations ou dispositifs d'exploration ou d'exploitation du plateau continental adjacent au territoire français doivent être compris dans les bases de l'impôt sur les sociétés auquel elle est assujettie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que le supplément d'impôt sur les sociétés auquel la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger" a été assujettie, au titre de l'année 1976, a procédé de la réintégration, par l'administration, dans les bases d'imposition de la société, d'une somme de 1 307 968 F, correspondant aux bénéfices qu'elle avait réalisés du fait de l'exercice d'une activité de prestataire de services d'expertise géophysique auprès de compagnies pétrolières effectuant des opérations d'exploration ou d'exploitation sur le plateau continental de la mer d'Iroise ; que, pour rejeter l'appel formé, devant elle, par le ministre du budget contre les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mai 1992, qui ont prononcé la décharge de cette imposition, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que l'applicabilité de la législation fiscale française sur le plateau continental adjacent au territoire français ne pouvait résulter que des dispositions "douanières et fiscales" de l'article 15 de la loi du 30 décembre 1968, qui visent uniquement les "produits extraits du plateau continental", à l'exclusion des prestations de services ; qu'en statuant ainsi, sans égard aux dispositions générales, précitées, de l'article 5, premier alinéa, de la loi du 30 décembre 1968, auxquelles celles de l'article 15 apportent seulement la précision que les produits extraits du plateau continental sont, "pour l'application de la législation fiscale", réputés extraits du territoire français métropolitain, la Cour a fait une inexacte application des dispositions dont il s'agit ; que le ministre du budget est, par suite, fondé à demander que, sur ce point, l'arrêt attaqué soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les bénéfices réalisés au cours de l'exercice clos en 1976 par la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger" dans l'entreprise qu'elle a exploitée sur des installations et dispositifs d'exploration ou d'exploitation du plateau continental de la mer d'Iroise, ont été à bon droit rapportés par l'administration aux bases de l'impôt sur les sociétés dû par elle au titre de l'année 1976 ; que le ministre du budget est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 de son jugement du 12 mai 1992, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des droits et pénalités assignés, en conséquence de ce redressement, à la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger" ;
Article 1er : L'arrêt du 30 décembre 1993 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que celle-ci rejette le recours présenté devant elle par le ministre du budget, ainsi que les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mai 1992, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par la S.A. "Prospection Electrique Schlumberger", qui tendent à la décharge, à concurrence de droits et pénalités s'élevant, respectivement, à 683 984 F et 185 506 F, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. "Services Pétroliers Schlumberger".