Vu 1°/, sous le n° 194468, la requête enregistrée le 25 février 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Angela X... demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 6 octobre 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 29 avril 1997 rejetant ses demandes de candidature à l'intégration directe dans le corps judiciaire et au recrutement en qualité de conseiller de cour d'appel en service extraordinaire ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, sous astreinte de 5 000 F par jour de retard, de prendre la décision d'admettre sa candidature et de la soumettre, en application de l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, à la commission instituée par l'article 34 de la même ordonnance ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°/, sous le n° 196592, l'ordonnance, enregistrée le 19 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmet au Conseil d'Etat la requête dont ce tribunal a été saisi par Mme Angéla X... demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 6 octobre 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 29 avril 1997 rejetant ses demandes de candidature à l'intégration directe dans le corps judiciaire et au recrutement en qualité de conseiller de cour d'appel en service extraordinaire ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, sous astreinte de 5 000 F par jour de retard, de prendre la décision d'admettre sa candidature et de la soumettre, en application de l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, à la commission instituée par l'article 34 de la même ordonnance ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, par le même moyen que celui de la requête n° 194468 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature : "Peuvent être nommées directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgées de 35 ans au moins : 1° les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ..." et qu'aux termes de l'article 16 de la même ordonnance : "Les candidats à l'auditorat doivent 1° être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, que ce diplôme soit national, reconnu par l'Etat, ou délivré par un Etat membre de la Communauté européenne ..." ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 17 de la loi susvisée du26 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur : "Toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité professionnelle peut demander la validation d'acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour justifier d'une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l'obtention d'un diplôme de l'enseignement supérieur. Un diplôme national confère les mêmes droits à tous ses titulaires quel que soit l'établissement qui l'a délivré ... La validation d'acquis professionnels produit les mêmes effets que le succès à l'épreuve dont le candidat est dispensé" ;
Considérant qu'il est constant que Mme X... est titulaire du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit notarial obtenu après validation de ses acquis professionnels ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la requérante peut être regardée comme remplissant les conditions exigées par l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, le diplôme d'études supérieures spécialisées ne pouvant être obtenu que par un candidat titulaire d'une maîtrise ou d'un titre équivalent ; que, dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter par la décision attaquée du 6 octobre 1997 le recours gracieux dirigé contre sa décision du 29 avril 1997 déclarant irrecevable la candidature de Mme X... à une intégration directe dans le corps judiciaire ainsi qu'à une intégration en tant que conseiller de cour d'appel en service extraordinaire ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 introduit dans la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter de la date qu'il détermine" ; que l'annulation de la décision du garde des sceaux implique nécessairement que soit soumise, en application de l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, la candidature de Mme X... à l'avis de la commission prévue à l'article 34 de la même ordonnance ; qu'il y a lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à ladite transmission dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 1 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 6 octobre 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté le recours gracieux dirigé contre sa décision du 29 avril 1997 rejetant les demandes de candidature de Mme X... à l'intégration directe dans le corps judiciaire et à un recrutement en qualité de conseiller de cour d'appel en service extraordinaire, est annulée.
Article 2 : Le garde des sceaux, ministre de la justice devra, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, soumettre la candidature de Mme X... à la commission consultative instituée par l'article 34 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958, en vue de son examen.
Article 3 : Le garde des sceaux, ministre de la justice est condamné à payer la somme de 1 000 F à Mme X....
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Angéla X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.