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12/06/1998 | FRANCE | N°181718

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 12 juin 1998, 181718


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août 1996 et 15 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association des groupements de pharmaciens d'officine, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux, M. François X..., pharmacien, demeurant au centre commercial Rosny II à Rosny-sous-Bois (93117), l'association Plus Pharmacie, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux, l'association Giphar, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux et l'association Girop

harm, dont le sigèe est ..., représentée par ses dirigeants légaux ; ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août 1996 et 15 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association des groupements de pharmaciens d'officine, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux, M. François X..., pharmacien, demeurant au centre commercial Rosny II à Rosny-sous-Bois (93117), l'association Plus Pharmacie, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux, l'association Giphar, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux et l'association Giropharm, dont le sigèe est ..., représentée par ses dirigeants légaux ; l'association des groupements de pharmaciens d'officine, M. X..., les associations Plus Pharmacie, Giphar et Giropharm demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 96-531 du 14 juin 1996 relatif à la publicité pour les médicaments et certains produits à usage humain et modifiant le code de la santé publique en tant qu'il insère dans le code de la santé publique un article R. 5053-3 relatif à la publicité en faveur des officines de pharmacie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 92-28 CEE du Conseil des Communautés européennes du 31 mars 1992 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'association des groupements de pharmaciens d'officine et autres et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens :
Considérant que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que l'association des groupements de pharmaciens d'officine, M. François X..., les associations Plus Pharmacie, Giphar et Giropharm contestent la légalité du décret du 14 juin 1996 en tant qu'il introduit dans le code de la santé publique un article R. 5053-3 fixant les conditions dans lesquelles est autorisée la publicité en faveur des officines de pharmacie ;
En ce qui concerne les moyens tiré de la méconnaissance du droit interne :
Considérant que l'article L. 551-11 ajouté au code de la santé publique par l'article 8-II de la loi du 18 janvier 1994 dispose que "La publicité en faveur des officines de pharmacie (...) ne peut être faite que dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat" ; que ces dispositions, qui s'appliquent d'ailleurs sans préjudice des règles déontologiques édictées sur le fondement de l'article L. 538-1 du même code, n'ont pas pour objet de poser un principe général d'autorisation de la publicité en faveur des officines de pharmacie qui ne serait assorti d'aucune restriction ; qu'elles ont, au contraire, habilité le gouvernement, agissant par voie de décret en Conseil d'Etat, à fixer les cas où la publicité estadmise et les modalités qu'elle peut revêtir ;
Considérant que l'article R. 5053-3 du code de la santé publique autorise la publication dans la presse écrite de communiqués et d'annonces mentionnant l'adresse de l'officine, le nom de son propriétaire ainsi que les activités pratiquées ; qu'elles autorisent également la mise à la disposition dans l'officine de brochures d'éducation sanitaire comportant le nom et l'adresse du pharmacien, ainsi que la diffusion d'objets ou de produits de valeur négligeable ; que ces opérations, qui permettent aux titulaires d'officines de pharmacie d'informer le public, c'est-à-dire leurs clients potentiels, de leur existence et de faire connaître leurs activités, ont un caractère publicitaire ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les auteurs du texte attaqué auraient interdit toute publicité en faveur des officines de pharmacie en violation des dispositions précitées de l'article L. 551-11 du code de la santé publique ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du code de la santé publique relatives aux règles de création et de fonctionnement des officines de pharmacie que le législateur a entendu, dans l'intérêt de la santé publique, assurer une répartition harmonieuse des officines sur le territoire et garantir à l'ensemble de la population un accès aisé aux services qu'elles offrent ; qu'une concurrence excessive entre les officines, favorisée par un recours trop important à la publicité, serait de nature à affecter cet équilibre ; que figure en outre au nombre des règles déontologiques applicables aux pharmaciens l'interdiction de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ; qu'il suit de là que les auteurs du décret attaqué, en limitant la publicité en faveur des officines aux procédés susanalysés et en interdisant toute publicité en faveur des groupements ou réseaux d'officines, n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que les titulaires d'officines de pharmacie, qui sont seuls habilités à dispenser des médicaments, ne sont pas placés, alors même qu'ils pratiquent également la vente de produits parapharmaceutiques, dans une situation identique à celle des exploitants de commerces de parapharmacie ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en imposant aux seules officines de pharmacie, à l'exclusion des commerces de parapharmacie, des restrictions en matière de publicité, les auteurs du décret attaqué auraient méconnu le principe d'égalité, ne peut qu'être écarté ;
Considérant que, si l'article R. 5053-3 du code de la santé publique interdit dans son paragraphe IV aux groupements ou réseaux d'officines de pharmacie de faire de la publicité en leur faveur ou en faveur des officines les composant, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire aux titulaires d'officines de pharmacie l'usage dans leur dénomination du nom ou du sigle du réseau ou du groupement d'officines auquel ils appartiennent ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le paragraphe IV de l'article R. 5053-3 méconnaîtrait les dispositions de la loi du 31 décembre 1990 relatives à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire et, en particulier, de celles de l'article 2 de cette loi en vertu desquelles la société peut faire suivre ou précéder sa dénomination sociale du nom et du sigle du groupement ou réseau professionnel dont elle est membre ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du droit communautaire :
Considérant que les dispositions attaquées, qui s'appliquent à toutes les officines de pharmacie sur le territoire français, ne font pas obstacle à la commercialisation des produitsqu'elles proposent ; que, par suite, ces dispositions ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la libre circulation des marchandises ni d'entraver le commerce entre les Etats membres de la Communauté européenne ; qu'elles ne sauraient constituer, en particulier, des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation prohibées par l'article 30 du traité de Rome du 25 mars 1957 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de libre circulation tel qu'il résulte du traité susvisé doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance d'un principe général de libre concurrence tiré des stipulations du traité de Rome n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que, si les requérants se prévalent des dispositions de la directive n° 92-28 du 31 mars 1992 du Conseil des Communautés européennes, il résulte des termes mêmes de cette directive qu'elle ne concerne que la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain ; que la publicité en faveur des officines pharmaceutiques n'entre pas, en tant que telle, dans son champ d'application ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'article R. 5053-3 du code de la santé publique serait contraire aux objectifs de la directive susmentionnée est inopérant ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'en vertu des stipulations du paragraphe 2 de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'exercice de la liberté d'expression "peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique (...) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...)" ; qu'eu égard aux impératifs de protection de la santé publique et aux principes de déontologie de la profession de pharmacien, les auteurs du décret attaqué, en limitant, en application de l'article L. 551-11 précité du code de la santé publique, les formes de publicité autorisées en faveur des officines de pharmacie, n'ont pas, en tout état de cause, porté à la liberté d'expression une atteinte excessive ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 14 juin 1996, en tant qu'il a introduit dans le code de la santé publique un article R. 5053-3 fixant les conditions dans lesquelles est autorisée la publicité en faveur des officines de pharmacie ;
Article 1er : L'intervention du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est admise.
Article 2 : La requête de l'association des groupements de pharmaciens d'officine, de M. X..., des associations Plus Pharmacie, Giphar et Giropharm est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association des groupements de pharmaciens d'officine, à M. François X..., aux associations Plus Pharmacie, Giphar et Giropharm, au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, au Premier ministre, au ministre de l'emploi et de la solidarité et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 181718
Date de la décision : 12/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 - RJ2 AFFICHAGE ET PUBLICITE - AUTRES SUPPORTS PUBLICITAIRES - Publicité en faveur des officines de pharmacie (décret n°96-531 du 14 juin 1996) - a) Restrictions assimilables à une interdiction de toute publicité - Absence - b) Violation de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Absence (1) (2).

02-02, 55-03-04-03 a) L'article R.5053-3 du code de la santé publique autorise la publication dans la presse écrite de communiqués et d'annonces mentionnant l'adresse de l'officine, le nom de son propriétaire ainsi que les activités pratiquées, de même que la mise à disposition dans l'officine de brochures d'éducation sanitaire comportant le nom et l'adresse du pharmacien et la diffusion d'objets ou de produits de valeur négligeable. Ces opérations, qui permettent aux titulaires d'officines d'informer le public, c'est-à-dire leurs clients potentiels, de leur existence et de faire connaître leurs activités, ont un caractère publicitaire. L'article L.551-11 du code de la santé publique, qui s'applique d'ailleurs sans préjudice des règles déontologiques édictées sur le fondement de l'article L. 538-1 du même code, n'ayant pas pour objet de poser un principe général d'autorisation de la publicité en faveur des officines qui ne serait assorti d'aucune restriction, il n'est pas méconnu par les dispositions susmentionnées, lesquelles n'interdisent pas toute publicité en faveur des officines de pharmacie. b) Eu égard aux impératifs de protection de la santé publique et aux principes de déontologie de la profession de pharmacien, les auteurs du décret du 14 juin 1996 introduisant un article R.5053-3 dans le code de la santé publique n'ont pas porté à la liberté d'expression une atteinte excessive en limitant, en application de l'article L.551-11 du code de la santé publique, les formes de publicité autorisées en faveur des officines de pharmacie. Absence, en tout état de cause, de violation de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- RJ1 - RJ2 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PHARMACIENS - REGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX PHARMACIENS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - Publicité en faveur des officines de pharmacie (décret n°96-531 du 14 juin 1996) - a) Restrictions assimilables à une interdiction de toute publicité - Absence - b) Violation de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Absence (1) (2).


Références :

CEE directive n° 92-28 du 31 mars 1992 Conseil des Communautés
Code de la santé publique R5053-3, L551-11, L538-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 10
Décret 96-531 du 14 juin 1996
Loi du 18 janvier 1994 art. 8
Loi 90-1258 du 31 décembre 1990 art. 2
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 30

1.

Rappr., 1998-06-12, Société toulousaine de télévision, n° 170173, à mentionner aux tables. 2.

Rappr. CEDH, 1994-02-24, Casado Coca c/ Espagne série A n°285


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 1998, n° 181718
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Lafouge
Rapporteur public ?: Mme Maugüé
Avocat(s) : SCP Piwnica, Moliné, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:181718.19980612
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