Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 1994 et 8 août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jeanne Z..., demeurant à Germonville, Teillay-le-Gaudin (45480) ; Mme Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 28 décembre 1993 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 1991 par lequel le préfet du Loiret a accordé à Mme Y... l'autorisation d'exploiter 11 ha 42 a ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de Mme Jeanne Z...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté du 8 août 1991, le préfet du Loiret a autorisé Mme X... à exploiter un bien composé de diverses parcelles de terre d'une superficie totale de 11 ha 42 a 70 ca situées sur le territoire de la commune d'Outarville (Loiret) et précédemment exploité par Mme Z... ;
Considérant que si l'arrêté du 8 août 1991 a fait l'objet, conformément aux dispositions de l'article 188-5-2 du code rural, d'un affichage à la mairie d'Outarville le 13 août 1991, le délai du recours contentieux contre cet arrêté qui affectait directement la situation personnelle de Mme Z..., preneur en place, n'a pu courir à l'encontre de celle-ci qu'à compter de la notification de l'arrêté à l'intéressée, le 25 septembre 1991 ; que, par suite, le recours hiérarchique adressé le 28 octobre 1991 par Mme Z... au ministre de l'agriculture contre ledit arrêté a été formé dans le délai du recours contentieux qu'il a eu pour effet de proroger ; que, le ministre ayant rejeté ce recours par une lettre en date du 24 février 1992, la demande présentée le 3 avril 1992 par Mme Z... devant le tribunal administratif n'était pas tardive ; que, dans ces conditions, Mme Z... est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été jugée tardive et, dès lors, irrecevable par l'ordonnance du 28 décembre 1993 du président de la troisième chambre du tribunal administratif d'Orléans ; qu'ainsi ladite ordonnance doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Z... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par Mme Z... :
Considérant qu'aux termes de l'article 188-5-1 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 23 janvier 1990 : "Le représentant de l'Etat dans le département, pour motiver sa décision, ..., et la commission départementale des structures agricoles, pour rendre son avis, sont tenus de se conformer aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département sur le territoire duquel est situé le fonds. Ils sont tenus notamment : 1°) d'observer l'ordre des priorités établi entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2°) de tenir compte, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, des possibilités d'installation sur une exploitation viable, de la situation des terres concernées par rapport au siège de l'exploitation du ou des demandeurs, de la superficie des biens faisant l'objet de la demande et des superficies déjà mises en valeur par le ou des demandeurs ainsi que par le preneur en place ; 3°) de prendre en considération la situation personnelle du ou des demandeurs : âge, situation familiale et professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place, ainsi que le nombre et la nature des emplois salariés en cause ; 4°) de tenir compte de la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations enjouissance ne remettent en cause des aménagements obtenus à l'aide de fonds publics (...)" ;
Considérant que, pour autoriser Mme X... à exploiter les parcelles précédemment exploitées par Mme Z..., le préfet du Loiret s'est fondé sur le seul fait "qu'il s'agit d'un bien familial" ; qu'un tel motif, qui n'est pas de la nature de ceux énumérés par l'article 188-5-1 ci-dessus du code rural, ne pouvait à lui seul justifier l'autorisation délivrée à Mme X... ; qu'il s'ensuit que l'arrêté du 8 août 1991 délivrant cette autorisation doit être annulé ;
Article 1er : L'ordonnance du 28 décembre 1993 du président de la troisième chambre du tribunal administratif d'Orléans ensemble l'arrêté du 8 août 1991 du préfet du Loiret sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Jeanne Z..., à Mme X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.