Vu la requête enregistrée le 23 décembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Sarojnee X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance du 24 mai 1993 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 3 mars 1993 lui refusant une carte de résident en qualité de conjointe de Français ;
2°) annule cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de Mme Sarojnee X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée du 24 mai 1993, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme X... comme non recevable, au motif qu'elle n'était dirigée contre aucune décision ;
Considérant que la demande introductive d'instance de Mme X... se référait au recours gracieux, dont une copie était jointe, qu'elle avait formé contre la décision du préfet des Hauts-de-Seine lui refusant la délivrance d'une carte de résident et contre le rejet duquel l'intéressée entendait se pourvoir ; que, par suite, cette demande était recevable ; que l'ordonnance du président du tribunal administratif de Paris en date du 24 mai 1993 doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme X... ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant que, pour refuser à Mme X... la délivrance d'une carte de résident en tant que conjointe d'un ressortissant français, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé à la fois sur l'absence de communauté de vie avec son époux et sur le caractère irrégulier de son entrée en France ;
Considérant, d'une part, que le motif tiré de l'absence de communauté de vie entre les époux est matériellement inexact ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "La carte de résident est délivrée de plein droit, sans que puissent être opposées les dispositions des articles 6 et 9 de la présente ordonnance : 1° Au conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française" ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 30 juin 1946 dans sa rédaction issue du décret du 4 décembre 1984 : "Pour l'application des dispositions de l'article 15 (1° à 5°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, l'étranger produit à l'appui de sa demande de carte de résident : ( ...) 2° Les documents, mentionnés à l'article 1er du présent décret, justifiant qu'il est entré régulièrement en France" ; qu'il résulte des dispositions de l'arrêté du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire français auquel renvoie l'article 1er du décret du 30 juin 1946 que, pour être admis à pénétrer sur le territoire français , "tout étranger doit être muni d'un passeport ou d'un titre de voyage en tenant lieu, en cours de validité et revêtu d'un visa français" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de son entrée en France, Mme X... était munie d'un passeport en cours de validité et revêtu d'un visa français ; qu'elle justifie ainsi être entrée régulièrement en France et était, dès lors, en droitd'obtenir la délivrance du titre de séjour demandé alors même qu'elle ne disposait, lors de son entrée sur le territoire, que d'un visa de court séjour ;
Considérant qu'il suit de là que Mme X... est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine lui refusant une carte de résident en qualité de conjoint de Français ;
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif Paris en date du 24 mai 1993 et la décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 3 mars 1993 rejetant la demande de Mme X... sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Sarojnee X... et au ministre de l'intérieur.