Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 6 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. GRC-Emin dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 14 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 4 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que la commune d'Antibes soit condamnée à lui verser la somme de 199 970,84 F augmentée des intérêts au taux légal en remboursement de travaux mis à sa charge en vertu du permis de construire délivré le 4 novembre 1981, d'autre part, à la condamnation de la ville à lui verser cette somme, ainsi que la somme de 10 000 F augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses frais irrépétibles ;
2°) condamne la commune d'Antibes à lui verser la somme de 199 970,84 F augmentée des intérêts et des intérêts capitalisés ;
3°) condamne la commune d'Antibes à lui verser la somme de 17 790 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les observations de Me Thomas-Raquin, avocat de la S.A. GRC-Emin, et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez avocat de la commune d'Antibes ;
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement ( ...) aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participation financière, de fonds de concours ou de réalisation de travaux, (sauf dans certains cas énumérés du 1° au 8° de cet article). Les contributions qui seraient accordées en violation des dispositions qui précèdent seraient réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies seraient sujettes à répétition" ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que la taxe locale d'équipement était instituée dans la commune d'Antibes lorsque la S.A. GRC-Emin a été autorisée, par deux arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date des 4 novembre 1981 et 25 mars 1982, à y construire un ensemble commercial sous réserve que l'accès soit réalisé "dans le cadre d'une permission de voirie délivrée par les services de l'équipement (d'Antibes)" ; que cette permission, délivrée le 2 septembre 1981, prévoyait la mise en place par le bénéficiaire d'une signalisation lumineuse tricolore au carrefour formé par la voie d'accès au centre commercial avec le chemin départemental 35 et la voie des Charmettes et la synchronisation de cette signalisation lumineuse avec celle du carrefour Saint-Claude ; que, dans ces conditions, la contribution ainsi mise à la charge de la société, nonobstant la circonstance qu'elle résulte d'une condition figurant dans la permission de voirie et non dans les permis de construire, mais à laquelle ceux-ci renvoient, devait être regardée comme une contribution aux dépenses d'équipement public imposée à la société requérante en sa qualité de constructeur ; qu'ainsi, en rejetant l'action en répétition engagée par celle-ci sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme au motif que la contribution dont s'agit, qui n'a pas été imposée par les permis de construire, n'aurait été mise à la charge de la société qu'en sa seule qualité de propriétaire du terrain d'assiette et n'entrerait pas dans les prévisions de l'article L. 332-6, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que la S.A. GRC-Emin est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 14 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative, statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'action en répétition des contributions aux dépenses d'équipement public prévue à l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme s'exerce à l'encontre de la personne bénéficiaire de ces contributions, qu'elles aient été réalisées sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux ; que la circonstance que les travaux ont été prescrits non par la commune mais par le préfet, signataire du permis de construire, est sans incidence sur le bien-fondé de cette action en répétition ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur ce motif pour rejeter sa demande ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune d'Antibes doit être regardée comme bénéficiaire de l'installation, aux frais de la société requérante, d'une signalisation lumineuse au croisement du chemin départemental n° 35 et de la voie des Charmettes ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner la commune à rembourser à la S.A. GRC-Emin la somme de 199 970,84 F, représentant le coût, pour cette dernière, de la mise en place de cet équipement, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 1987, date de la première demande de la société à la commune ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 5 août 1993 et le 3 septembre 1997 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la commune d'Antibes à payer à la S.A. GRC-Emin la somme de 17 790 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que la S.A. GRC-Emin, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune d'Antibes la somme qu'elle demande au même titre ;
Article 1er : L'arrêt en date du 14 juin 1993 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement en date du 4 février 1992 du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 2 : La commune d'Antibes est condamnée à verser à la S.A. GRC-Emin la somme de 199 970,84 F, avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 1987. Les intérêts échus le 5 août 1993 et le 3 septembre 1997 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune d'Antibes versera à la S.A. GRC-Emin une somme de 17 790 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Antibes tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. GRC-Emin, à la commune d'Antibes et au ministre de l'intérieur.