Vu le recours du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville enregistré le 24 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M. Joseph X..., annulé la décision du 22 octobre 1990 par laquelle le préfet de la région Alsace a annulé la décision du 25 septembre 1990 de la commission de recours amiable du conseil d'administration de la caisse régionale d'assurance maladie d'Alsace-Moselle accordant à M. X... une remise de dette d'un montant de 80 000 F ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me de Nervo, avocat de M. Joseph X...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 151-1 du code de la sécurité sociale : "Les décisions des conseils d'administration des caisses primaires et régionales d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, des caisses d'allocations familiales et des unions de recouvrement sont soumises au contrôle de l'autorité compétente de l'Etat. L'autorité compétente de l'Etat peut annuler ces décisions lorsqu'elles sont contraires à la loi ( ...)" ; qu'aux termes de l'article L. 142-1 du même code : "Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux" ;
Considérant que si le recours dont disposent les assurés sociaux devant les juridictions mentionnées à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale fait obstacle à ce qu'ils forment, devant la juridiction administrative, un recours pour excès de pouvoir contre les mesures de tutelle prises par les autorités compétentes de l'Etat à l'encontre des organismes de sécurité sociale et fondé sur une contestation de l'application qui leur est faite de la législation et de la réglementation relatives à la sécurité sociale, il en va autrement lorsque, devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, ils ne disposent pas d'une voie de droit qui leur permette d'obtenir une satisfaction équivalente à celle que leur assurerait l'annulation pour excès de pouvoir de la mesure de tutelle contestée ;
Considérant que les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale ne disposent pas du pouvoir de contrôler l'usage que font les organismes de sécurité sociale de leur pouvoir de faire remise totale ou partielle des dettes des assurés à leur égard ; qu'ainsi, leur saisine ne permet pas aux usagers d'obtenir une satisfaction équivalente à celle que peut leur procurer l'annulation, par le juge administratif, de la décision d'une autorité de tutelle prononçant l'annulation d'une décision par laquelle un organisme de sécurité sociale fait remise à un assuré de sa dette ;
Considérant que M. X... a demandé, devant le tribunal administratif de Strasbourg, l'annulation de la décision en date du 22 octobre 1990 par laquelle le préfet de la région Alsace a prononcé l'annulation de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg lui accordant une remise de 80 000 F pour la perception indue de la majoration pour tierce personne ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette demande était recevable ;
Sur la légalité de la décision du préfet de la région Alsace du 22 octobre 1990 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale : "Toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire. En cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation, aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés. /Lorsque les ressources de l'intéressé sont comprises entre ce plafond et le double de ce plafond, le remboursement ne peut pas être effectué d'office par prélèvement sur les prestations. Le cas et la situation de l'assujetti sont alors soumis à la commission de recours gracieux qui accordera éventuellement la remise totale ou partielle de la dette et déterminera, le cas échéant, l'échelonnement de ce remboursement" ; qu'aux termes de l'article L. 256-4 du même code qui concerne l'ensemble des prestations de sécurité sociale : "Sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale ( ...) peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse" ;
Considérant que, pour annuler la remise partielle de dette accordée à M. X..., le préfet s'est uniquement fondé sur le motif que les ressources des époux X... excédaient le plafond mentionné à l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale ; qu'en subordonnant la faculté accordée aux caisses d'assurance maladie de procéder à des remises de dettes au seul respect du plafond de ressources mentionné à l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale sans tenir compte, comme l'a fait la commission de recours amiable, de la précarité de la situation du débiteur, le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 256-4 dudit code ; que si le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville soutient devant le Conseil d'Etat que la situation des époux X... n'est pas précaire, un tel motif n'est pas de nature à rendre légale cette décision qui, comme il a été dit ci-dessus, a été prise sur la base d'un seul motif erroné en droit ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision préfectorale du 22 octobre 1990 ;
Article 1er : Le recours du ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'emploi et de la solidarité et à Mme veuve Joseph X....