Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juin 1995 et 2 octobre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abdul Kadir Y..., demeurant chez M. X..., Tachaurstrasse 241, à Munich (Allemagne) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 12 octobre 1993 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 janvier 1993 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
2°) renvoie l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Simon-Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Abdul Kadir Y...,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, modifié par le protocole signé à New York le 31 janvier 1951, est considérée comme réfugiée toute personne "qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays", et qu'aux termes du F du même article 1er : "Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on a des raisons sérieuses de penser : ( ...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies" ;
Considérant que pour rejeter la demande présentée par M. Y..., la commission des recours des réfugiés s'est fondée sur la circonstance "que l'intéressé, quand bien même il invoque des craintes de persécutions du fait qu'il occupait un poste de responsabilité dans l'administration du précédent régime en place en Afghanistan, ne peut, pour autant, se réclamer des dispositions de la convention de Genève en raison de sa participation, du fait même des responsabilités qu'il a occupées en toute connaissance de cause, à un régime qui s'est signalé par son absence de respect des droits de l'homme ; que ce même régime a méconnu les principes dont se réclame l'intéressé pour fonder sa demande ; que, du fait de son adhésion aux agissements de ce gouvernement, il ne peut être considéré comme au nombre des personnes visées par l'article 1er A 2, de la convention de Genève" ; qu'en excluant le requérant du champ d'application de la convention de Genève du seul fait de l'"adhésion" à un régime politique qu'aurait impliqué l'exercice de certaines fonctions publiques, notamment diplomatiques, sans rechercher si l'intéressé s'était personnellement rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies, la commission des recours des réfugiés a entaché sa décision d'erreur de droit ; que M. Y... est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;
Article 1er : La décision du 12 octobre 1993 de la commission des recours des réfugiés est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la commission des recours des réfugiés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Abdul Kadir Y..., à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre des affaires étrangères.