Vu la requête enregistrée le 8 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.C.I. "Les Peupliers", dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la S.C.I. "Les Peupliers" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur recours du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, annulé le jugement du 27 juillet 1993 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir du certificat d'urbanisme négatif délivré à la S.C.I. requérante ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel ou, statuant au fond, de rejeter le recours du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la S.C.I. "Les Peupliers",
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : "Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus, et sous réserve de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut : a) Etre affecté à la construction ; b) Etre utilisé pour la réalisation d'une opération déterminée" (...) / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme, et notamment des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "En l'absence de plan d'occupation des sols opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ; 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes (...)" ; 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elle n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 110" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de certificat d'urbanisme présentée par la SCI "Les Peupliers" avait pour objet la réalisation d'une opération déterminée consistant dans l'adaptation d'un immeuble existant sur une parcelle située en dehors des parties urbanisées de la commune de Laffaux alors dépourvue de plan d'occupation des sols ; que, dès lors que le demandeur prétendait au bénéfice de l'une des exceptions mentionnées à l'article L. 111-1-2 précité du code de l'urbanisme, la cour, en estimant que, du seul fait de la localisation du terrain, le préfet était tenu de délivrer un certificat d'urbanisme négatif, a entaché son arrêt d'erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 11 mai 1994 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération pour laquelle la S.C.I. "Les Peupliers" a sollicité un certificat d'urbanisme consistait dans la transformation en discothèque d'une ancienne caserne ; que les travaux prévus qui n'avaient pas pour effet de modifier les dimensions ou l'aspect général de la construction et consistaient seulement dans la suppression de quelques fenêtres et la modification de certains poteaux intérieurs pouvaient être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant pour objet "l'adaptation et la réfection d'une construction existante", exceptées, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, de l'interdiction de construire édictée par ce texte ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aisne ne pouvait délivrer à la S.C.I. "Les Peupliers" un certificat d'urbanisme positif sans entacher sa décision d'illégalité doit être écarté ; que, par suite, le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le certificat d'urbanisme négatif délivré par le préfet de l'Aisne à la S.C.I. "Les Peupliers" ;
Sur les conclusions de la S.C.I. "Les Peupliers" tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à verser à la SCI "Les Peupliers" la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 11 mai 1994 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 3 : L'Etat paiera à la S.C.I. "Les Peupliers" la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.C.I. "Les Peupliers" et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.