Vu l'ordonnance en date du 17 décembre 1996, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 décembre 1996, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris transmet au Conseil d'Etat, en application des articles R. 81 et R. 241-19 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, la requête de M. Aquilas PICOT ;
Vu, enregistrée le 6 décembre 1996 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, la requête présentée par M. PICOT demeurant ... à Fort-de-France (97000) ; M. PICOT demande à la cour d'annuler l'ordonnance en date du 23 octobre 1996 par laquelle le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 août 1996 du préfet de la Martinique prononçant sa reconduite à la frontière et la condamnation de l'Etat à lui verser 30 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel modifié notamment par le décret n° 97-457 du 9 mai 1997 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en application des dispositions du II de l'article 40 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi également susvisée du 24 août 1993, les prescriptions de l'article 22 bis de ladite ordonnance ne sont pas applicables dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de la Réunion et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, pendant cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993 ;
Considérant en premier lieu que si les dispositions susrappelées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient des modalités de recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière différentes selon les départements ou les collectivités où les étrangers séjournent, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de ces dispositions au principe d'égalité prévu par la Constitution ;
Considérant en deuxième lieu et en tout état de cause, que les dispositions du II de l'article 40 de l'ordonnance susvisée ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'article 14-1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lesquelles "tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice", ni avec celles de l'article 2-1 de ce pacte, dès lors qu'elle régissent des cas qui sont différents compte tenu de la situation particulière prévalant dans les départements d'outre-mer ;
Considérant en troisième lieu que si le requérant se prévaut également de l'incompatibilité entre les dispositions susrappelées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et les articles 7 et 30 de la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, la seule publication au Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de cette déclaration ne permet pas de ranger celle-ci au nombre des traités ni accord internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 "une autorité supérieure à celle de la loi, sous réserve, que chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;
Considérant en quatrième lieu que les règles de procédure contentieuses prévues par le II de l'article 40 de l'ordonnance susanalysée ne privent pas ces requérants du droit à un recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant enfin que si le requérant soutient que les dispositions du II de l'article 40 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont incompatibles avec les articles 3, 5, 6 et 8 de ladite convention, il n'indique pas de manière précise en quoi ces stipulations font obstacle à l'application de ces dispositions ;
Considérant qu'il suit de là que l'article 22 bis de l'ordonnance susvisée n'était pas applicable à la situation de M. PICOT ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "Il est créé des cours administratives compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs à l'exception de ceux portant sur les recours en appréciation de légalité, sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales et sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les actes réglementaires. Toutefois, les cours administratives d'appel exerceront leur compétence sur les recours pour excès de pouvoir autres que ceux visés à l'alinéa précédent et sur les conclusions à fin d'indemnités connexes à ces recours selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat" ; qu'en vertu des dispositions des articles 2 et 9 du décret du 9 mai 1997 susvisé portant création d'une cour administrative d'appel à Marseille et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la cour administrative d'appel de Bordeaux est compétente, à compter du 1er septembre 1997 pour connaître de l'appel formé contre les jugements du tribunal administratif de Fort-de-France, sauf exceptions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : "Les requêtes qui relèvent de la cour administrative d'appel de Bordeaux en vertu de l'article 2 ci-dessus et qui, enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, n'ont pas été inscrites au rôle de cette cour avant le 1er septembre 1997 sont transmises à la cour administrative d'appel de Bordeaux par le président de la cour administrative d'appel de Paris" ; qu'il y a lieu de transmettre la requête de M. PICOT à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête de M. PICOT est attribué à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Aquilas PICOT, au préfet de la Martinique, au ministre de l'intérieur et au président de la cour administrative d'appel de Bordeaux.