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01/12/1997 | FRANCE | N°185361;185791;188424

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 01 décembre 1997, 185361, 185791 et 188424


Vu 1°), sous le 185 361, la requête, enregistrée le 5 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL, représenté par son président en exercice, dont le siège est ... ; le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales fixant le modèle du formulaire du carnet de santé, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 19 novembre 1996 contre ledit arr

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- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F au tit...

Vu 1°), sous le 185 361, la requête, enregistrée le 5 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL, représenté par son président en exercice, dont le siège est ... ; le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales fixant le modèle du formulaire du carnet de santé, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 19 novembre 1996 contre ledit arrêté ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu 2°), sous le n° 185 791, enregistrée le 26 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance en date du 17 février 1997 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris transmet, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal pour le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL ;
Vu la demande, enregistrée le 24 décembre 1996 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL, représenté par son secrétaire général, dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL demande au tribunal administratif de Paris :
- d'annuler les décisions par lesquelles le ministre du travail et des affaires sociales et le secrétaire d'Etat à la sécurité sociale ont adopté le texte inclus dans le carnet de santé, autorisé la distribution dudit carnet sous cette forme et adopté le texte des lettres de présentation jointes à l'attention des assurés sociaux et des médecins, confirmées par le rejet du recours gracieux présenté le 12 novembre 1996 ;
- d'ordonner la suspension immédiate de l'exécution desdites décisions, sur le fondement de l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- d'ordonner l'arrêt immédiat de la distribution des carnets de santé sous astreinte de 100 F par jour et par carnet distribué ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu 3°), sous le n° 188 424, la requête, enregistrée le 17 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL, représenté par son secrétaire général, dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales fixant le modèle de carnet de santé, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 19 décembre 1996 et tendant au retrait dudit arrêté et au versement d'indemnités en réparation du préjudice résultant pour les médecins du travail de la diffusion du carnet de santé ;
- d'ordonner le retrait des carnets distribués et la suppression de la mention relative aux médecins du travail sous astreinte de 1 000 F par jour et par infraction ;
- de condamner l'Etat au versement des sommes de 1 F symbolique et de 200 millions de francs, avec intérêts de droit et capitalisation à titre d'indemnisation de l'atteinte à l'honneur et à la réputation de la profession de médecin du travail ;
- de condamner l'Etat à verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 ;
Vu le décret n° 95-1246 du 28 novembre 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat du SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par les requêtes n°s 185 361 et 185 791, le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL contestent la légalité de l'arrêté du ministre du travail et des affaires sociales du 18 octobre 1996 fixant le modèle du formulaire de "carnet de santé" en tant que ledit carnet comporte une mention précisant que les médecins du travail n'ont pas accès aux informations qu'il contient ; que par la requête n° 188 424, le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL présente en outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions indemnitaires, liées à la demande d'annulation dudit arrêté ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 1996 fixant le modèle du formulaire de "carnet de santé" :
Sur les moyens de légalité externe :
Considérant que l'article L. 162-1-1 introduit dans le code de la sécurité sociale par l'article 7 de l'ordonnance du 24 avril 1996 a institué un carnet de santé ; qu'aux termes de l'article R. 162-1-5 introduit dans le même code par l'article 2 du décret du 18 octobre 1996" : "Le modèle du carnet de santé institué par l'article L. 162-1-1 est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale" ; qu'en vertu du décret du 28 novembre 1995 susvisé, le secrétaire d'Etat alors chargé de la santé et de la sécurité sociale était placé sous l'autorité du ministre du travail et des affaires sociales et n'exerçait les attributions qui lui étaient dévolues que par délégation dudit ministre ; qu'il n'avait pas la qualité de ministre au sens des dispositions précitées de l'article R. 162-1-5 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le défaut de signature du secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ne saurait entacher d'illégalité l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 409 du code de la santé publique, le Conseil national de l'Ordre des médecins "étudie les questions et projets qui lui sont soumis parle ministre chargé de la santé publique et de la population" ; qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment de la lettre en date du 18 octobre 1996 adressée par le président du Conseil national de l'Ordre des médecins au ministre du travail et des affaires sociales, que le Conseil national de l'Ordre des médecins a été saisi du projet de modèle de carnet de santé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le Conseil national de l'Ordre des médecins, en dépit de la mention figurant sur le carnet de santé, n'aurait pas été consulté, manque en fait ;

Considérant en outre que, lorsqu'elle demande au sujet d'un projet de texte l'avis d'un organisme consultatif sans y être légalement tenue, l'autorité compétente conserve la faculté d'apporter à ce projet toutes les modifications qui lui semblent utiles sans avoir l'obligation de le soumettre à nouveau à ce même organisme ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au ministre du travail et des affaires sociales de consulter le Conseil national de l'Ordre des médecins sur le modèle de carnet de santé ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que la mention relative aux médecins du travail figurant dans le carnet de santé n'aurait pas été soumise au Conseil national de l'Ordre des médecins pour soutenir que l'arrêté attaqué serait, pour ce motif, intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-1-2 introduit dans le code de la sécurité sociale par l'article 7 de l'ordonnance du 24 avril 1996 : "Le carnet de santé ne peut être communiqué qu'aux médecins appelés à donner des soins au patient" ; qu'aux termes de l'article L. 241-2 du code du travail : "Les services médicaux du travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de "médecins du travail" et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs" ; qu'aux termes de l'article 99 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, pris sur le fondement de l'article L. 366 du code de la santé publique : "Sauf cas d'urgence ou prévu par la loi, un médecin qui assure un service de médecine préventive pour le compte d'une collectivité n'a pas le droit d'y donner des soins curatifs" ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les médecins du travail ne sont pas au nombre des médecins qui sont appelés à donner des soins aux patients au sens des dispositions précitées de l'article L. 162-1-2 du code de la sécurité sociale et auxquels doit être obligatoirement présenté le carnet de santé ; que, dès lors, en mentionnant dans le carnet de santé que les médecins du travail ne pouvaient avoir accès au contenu dudit carnet, le ministre du travail et des affaires sociales n'a pas méconnu le sens des dispositions précitées de l'article L. 162-1-2 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et le SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales fixant le modèle du formulaire de "carnet de santé", en tant qu'il précise que les médecins du travail n'ont pas accès aux informations qu'il contient ;
Sur les conclusions de la requête n° 188 424 aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la loi susvisée du 16 juillet 1980 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte" ; qu'en raison du rejet par la présente décision des conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 octobre 1996, les conclusions de la requête n° 188424 tendant à ce que, sur le fondement de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, il soit enjoint à l'administration de retirer tous les carnets de santé distribués afin de supprimer la mention relative aux médecins du travail ne peuvent qu'être écartées ;
Sur les conclusions de la requête n° 188 424 tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité :
Considérant que l'arrêté du 18 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales, fixant le modèle du formulaire de "carnet de santé", en tant qu'il précise que les médecins du travail n'ont pas accès aux informations contenues dans ledit carnet, n'étant pas entaché d'illégalité, les conclusions du SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice moral qu'auraient subi les praticiens qu'il représente ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions du SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et du SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et au SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL et du SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT GENERAL DES MEDECINS DU TRAVAIL, au SYNDICAT NATIONAL PROFESSIONNEL DES MEDECINS DU TRAVAIL et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

SECURITE SOCIALE - ORGANISATION DE LA SECURITE SOCIALE - REGIME DE SALARIES - REGIME GENERAL - ASSURANCE MALADIE - Carnet de santé (articles L - 162-1-1 et suivants du code de la sécurité sociale) - Communication aux médecins appelés à donner des soins au patient - Notion - Médecin du travail - Absence.

62-01-01-01-01, 66-03-04-01-02 Il résulte des dispositions des articles L.241-2 du code du travail et de l'article 99 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale que les médecins du travail ne sont pas au nombre des médecins qui sont appelés à donner des soins aux patients au sens des dispositions de l'article L.162-1-2 du code de la sécurité qui prévoient que "le carnet de santé ne peut être communiqué qu'aux médecins appelés à donner des soins au patient". Dès lors, en prévoyant que les médecins du travail ne pouvaient avoir accès au contenu dudit carnet, le ministre du travail et des affaires sociales n'a pas méconnu le sens des dispositions susrappelées.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - MEDECINE DU TRAVAIL - STATUT DES MEDECINS DU TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE - ATTRIBUTIONS - Accès au carnet de santé institué par les articles L - 162-1-1 et suivants du code de la sécurité sociale - Absence - Légalité.


Références :

Arrêté du 18 octobre 1996
Code de la santé publique L366
Code de la sécurité sociale L162-1-2
Code du travail L241-2
Décret du 18 octobre 1996 art. 2
Décret 95-1000 du 06 septembre 1995 art. 99
Loi du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance du 24 avril 1996 art. 7


Publications
Proposition de citation: CE, 01 déc. 1997, n° 185361;185791;188424
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 01/12/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 185361;185791;188424
Numéro NOR : CETATEXT000007965182 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-12-01;185361 ?
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