Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 mai 1994 et 20 décembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TOULOUGES (Pyrénées-Orientales), représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité ; la COMMUNE DE TOULOUGES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 21 mars 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme X... et M. Y..., héritiers de Mme Yvonne Y..., la somme de 1 037 759,43 F correspondant à divers travaux intéressant le lotissement "l'Olivette", avec intérêts légaux à compter du 20 décembre 1983, a mis à sa charge les frais d'expertise et l'a condamnée à verser la somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles, et, d'autre part, porté à 1 167 669,50 F avec intérêts capitalisés la somme qu'elle a été condamnée à verser aux intéressés par ledit jugement et l'a condamnée à verser à ces derniers la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de condamner solidairement l'Etat, Mme X... et M. Y... à lui verser la somme de 20 000 F en application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard-Mandelkern, avocat de la COMMUNE DE TOULOUGES et de Me Boullez, avocat de Mme Renée X... et de M. Francis Y...,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 332-6 et L. 332-7 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable au litige, dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée il ne peut être obtenu des constructeurs ou lotisseurs d'autre contribution aux dépenses d'équipements publics que celles expressément mentionnées par ces articles ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 332-6 : "Les contributions qui seraient accordées en violation des dispositions qui précèdent seraient réputées sans cause. Les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies seraient sujettes à répétition" ; que selon l'article L. 332-7 : " ... peuvent être mis à la charge du lotisseur ceux des équipements propres aux lotissements qui sont susceptibles d'être classés dans la voirie et les réseaux publics" ;
Considérant que la COMMUNE DE TOULOUGES se pourvoit en cassation contre un arrêt du 21 mars 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux l'a, sur le fondement de ces dispositions, condamnée à verser à Mme X... et M. Y..., héritiers de Mme Yvonne Y..., la somme de 1 167 669,50 F au titre de divers équipements que celle-ci a dû prendre en charge en vue de l'aménagement du lotissement "l'Olivette" pour lequel une autorisation de lotir lui avait été délivrée le 13 novembre 1981 ;
Sur les conclusions de la commune relatives à sa condamnation au profit de Mme X... et M. Y... :
Considérant, d'une part, que pour estimer que le prolongement de l'avenue Albert Saisset et l'élargissement du chemin de Las Palabas ne pouvaient se rapporter à des équipements propres au lotissement au sens de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme et que le coût de réalisation de ces équipements ne pouvait être mis à la charge des bénéficiaires de l'autorisation de lotir, la cour administrative d'appel a relevé que la création ou l'élargissement des voies en cause étaient prévus au plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 18 juin 1980 et s'est ainsi fondée sur la situation existant à la date à laquelle a été fixé le programme des travaux à réaliser par le lotisseur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en appréciant la nature des équipements litigieux au regard de la situation constatée à la date à laquelle elle a statué ne peut qu'être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des constatations effectuées par les juges du fond que les voies sont affectées à la circulation générale et ne sont pas principalementdestinées à la desserte du lotissement ; qu'ainsi, en en déduisant qu'elles constituaient, non un équipement propre au lotissement, mais un équipement public, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'une qualification juridiquement erronée ;
Sur les conclusions de la commune relatives au rejet de la demande en garantie contre l'Etat :
Considérant qu'ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel, la COMMUNE DE TOULOUGES ne pouvait légalement obtenir des bénéficiaires de l'autorisation de lotir qu'ils prennent en charge des dépenses afférentes à des ouvrages ayant la nature d'équipements publics ; que, par suite, et alors même que les services de l'Etat auraient commis une faute lors de l'instruction et de la délivrance de l'autorisation de lotir du 13 novembre 1981, la commune ne saurait demander que l'Etat soit condamné à lui rembourser les sommes qu'elle doit reverser aux consorts Y... ; qu'en rejetant pour ce motif les conclusions de la commune tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas méconnu l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE TOULOUGES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 21 mars 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Sur les conclusions incidentes des consorts Y... tendant à une nouvelle capitalisation des intérêts :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge de cassation de statuer sur des conclusions tendant à une nouvelle capitalisation des intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, Mme X... et M. Y..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à verser à la COMMUNE DE TOULOUGES la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNE DE TOULOUGES à verser à Mme X... et M. Y... la somme de 10 000 F qu'ils demandent à ce titre ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE TOULOUGES est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE TOULOUGES versera à Mme X... et M. Y... la somme de 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X... et M. Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE TOULOUGES, à Mme Renée X..., à M. Francis Y... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.