Vu la requête enregistrée le 11 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Paolo D'A..., demeurant ... ; M. D'Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er mars 1995 par laquelle le directeur régional d'Ile-de-France du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé d'enregistrer sa candidature au concours organisé, au titre de l'année 1995, en vue du recrutement de chargés de recherche de 2ème classe (section 35), ainsi que les décisions du directeur général du CNRS des 11 avril et 14 juin 1995, rejetant son recours hiérarchique et les délibérations du jury du concours de chargé de recherche de 2ème classe (section 35), session 1995, arrêtant la liste des candidats déclarés admissibles et des candidats déclarés admis ;
2°) de condamner le CNRS à lui payer une somme de 8 000 F, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 ; Vu le code du service national ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, notamment, par la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983, modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Japiot, Auditeur,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant que M. D'Z..., ressortissant italien, qui avait présenté sa candidature au concours de recrutement de chargés de recherche de deuxième classe (section n° 35) organisé, au titre de l'année 1995, par le Centre national de recherche scientifique (CNRS) n'a pas été admis à concourir, au motif qu'il ne remplissait pas la condition exigée par le deuxième alinéa de l'article 15 du décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983, modifié, selon lequel : "Les candidats au grade de chargé de recherche de deuxième classe doivent être âgés de trente et un ans au plus au 31 décembre de l'année au titre de laquelle le concours est ouvert", et que la durée du service national qu'il avait accompli en Italie ne pouvait être prise en compte pour l'application de l'article L. 64 du code du service national, qui prévoit que : "Pour l'accès à un emploi de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics ... la limite d'âge est reculée d'un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif accompli dans l'une des formes du titre III (service militaire, service de défense, service dans la police nationale, service de sécurité civile, service de l'aide technique et service de la coopération) ;"
Considérant qu'aux termes de l'article 48 du traité instituant la Communauté européenne : "1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté (...) 2. Elle implique l'abandon de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs dans les Etats membres en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ..." ; que le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 précise au 1 de son article 1er que "tout ressortissant d'un Etat membre ... a le droit d'accéder à une activité salariée et de l'exercer sur le territoire d'un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux de cet Etat" et au 1 de son article 6 que "l'embauchage et le recrutement d'un ressortissant d'un Etat membre pour un emploi dans un autre Etat membre ne peuvent dépendre de critères médicaux, professionnels ou autres, discriminatoires en raison de la nationalité, par rapport à ceux appliqués aux ressortissants de l'autre Etat membre désirant exercer la même activité" ;
Considérant que le CNRS n'a pu, sans méconnaître les dispositions ci-dessus rappelées, qui étaient applicables à l'emploi pour lequel M. D'Z... entendait concourir, refuser de prendre en compte, au titre de la règle énoncée par l'article L. 64 précité du code du service national, la durée du service national accompli par l'intéressé en Italie, conformément à la législation en vigueur dans ce pays ; qu'est, dès lors, illégal le motif retenu par le CNRS pour refuser d'admettre M. D'Z... à concourir ; que, par voie de conséquence, les délibérations du jury qui ont arrêté la liste des candidats admissibles et la liste des candidats admis au concours sont entachées d'illégalité au même titre que le refus opposé par le CNRS à la demande d'admission à concourir de M. D'Z... ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CNRS, par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M. D'Z... une somme de 8 000 Fau titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les décisions du directeur régional d'Ile de France du CNRS du 1er mars 1995 et du directeur général du CNRS des 11 avril et 14 juin 1995, refusant d'enregistrer la candidature de M. D'Z... au concours organisé par le CNRS, au titre de l'année 1995, en vue du recrutement de chargés de recherche de deuxième classe (section n° 35), ainsi que les délibérations du jury qui ont arrêté les résultats de ce concours, sont annulées.
Article 2 : Le CNRS paiera à M. D'Z... une somme de 8 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Paolo D'Z..., à M. X..., à Mme Y..., au Centre national de la recherche scientifique, au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.