Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 février et 27 mai 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. Fourrures Guy, dont le siège est 32, rue Hôtel des Postes, à Nice (06000), représentée par sa gérante en exercice ; la S.A.R.L. Fourrures Guy demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 novembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a remis à sa charge la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 1981 au 30 juin 1984 et dont, par un jugement du 10 juillet 1992, le tribunal administratif de Nice l'avait déchargée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 81 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 ;
Vu l'article 108 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Martin, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, avocat de la S.A.R.L. Fourrures Guy,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la S.A.R.L. Fourrures Guy a fait l'objet, au titre de la période du 1er juillet 1979 au 30 juin 1984, d'une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle, estimant que la comptabilité présentée était dénuée de valeur probante, l'administration a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et lui a notifié les redressements correspondants, suivant la procédure de rectification d'office ; qu'elle a ensuite cependant fait application de la procédure de redressement contradictoire en acceptant de répondre aux observations présentées par la société et de soumettre le différend né du refus par celle-ci des rehaussements de bases d'imposition qui avaient été portées à sa connaissance à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, devant la cour administrative d'appel de Lyon, l'administration s'est prévalue, non, comme elle l'avait fait devant le tribunal administratif de Nice, de la procédure de redressement contradictoire qu'elle avait en fait appliquée, mais de la procédure de rectification d'office initialement suivie ;
Considérant que l'administration est en droit d'invoquer à un moment quelconque de la procédure devant les juges du fond tous moyens de nature à faire reconnaître la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition contestée ; qu'ainsi la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en admettant que l'administration puisse se prévaloir devant elle de la situation de rectification d'office dans laquelle elle estimait que la S.A.R.L. Fourrures Guy s'était placée ; que, s'il incombait à la Cour de s'assurer que la nouvelle procédure d'imposition invoquée par l'administration était applicable et, dans l'affirmative, qu'elle avait été régulièrement suivie, elle n'était pas tenue, si elle estimait que ces deux conditions étaient réunies, de se prononcer sur la régularité de la procédure de redressement contradictoire, dont l'administration s'était antérieurement prévalue ;
Considérant que la procédure de rectification d'office a été supprimée par le premier alinéa du I de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, portant loi de financespour 1987, dont l'alinéa suivant a prévu que, désormais, "les reconstitutions du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition (seraient) effectuées selon la procédure de redressement contradictoire visée à l'article L. 75 du livre des procédures fiscales" ; que, bien que les compléments de taxe sur la valeur ajoutée contestés par la S.A.R.L. Fourrures Guy aient fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement émis le 18 septembre 1987, c'est-à-dire à une date postérieure à celle de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1987, de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, la cour administrative d'appel de Lyon a estimé que la procédure de rectification d'office était applicable et qu'elle avait été régulièrement suivie, dès lors que l'administration avait adressé à la société, dès le 15 novembre 1984, une notification de bases d'impositions rectifiées, dont la conformité aux exigences formulées par les dispositions, alors en vigueur, des articles L. 76 et R. 75-I du livre des procédures fiscales, n'était pas contestée ;
Considérant qu'en écartant ainsi les règles de procédure d'imposition qui étaient applicables à la date de mise en recouvrement de l'imposition assignée à la S.A.R.L. Fourrures Guy, sans se référer aux dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993, aux termes duquel : "I- Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi", la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;
Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 108 précité que, lorsqu'avant la mise en recouvrement de l'imposition, une loi supprime une procédure d'imposition pour lui substituer une autre procédure, cette dernière s'applique sauf si, avant l'entrée en vigueur de la loi qui l'a instituée, toutes les formalités que comportait l'ancienne procédure applicable ont été régulièrement accomplies ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant la date d'entrée en vigueur de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, dont, ainsi qu'il a été dit, le I, premier alinéa, a supprimé la procédure de rectification d'office, la seule formalité que comportait cette procédure et qui consistait, aux termes des dispositions déjà mentionnées, des articles L. 76 et R. 75-I du livre des procédures fiscales, en l'obligation faite à l'administration de porter à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, les bases ou éléments servant au calcul de ces dernières, au moyen d'une notification précisant leurs modalités de détermination et portant le visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal, avait été, ainsi qu'il n'est pas contesté, régulièrement accomplie ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, juridiquement erroné, qui a été retenu par la cour administrative d'appel pour juger que l'imposition mise à la charge de la S.A.R.L. Fourrures Guy par avis de mise en recouvrement postérieur à l'entrée en vigueur de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, avait été régulièrement établie selon la procédure de rectification d'office ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'en estimant que la S.A.R.L. Fourrures Guy n'apportait pas de commencement de preuve de l'exagération de l'imposition contestée, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de toute dénaturation ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu'en jugeant que l'administration apportait la preuve de la mauvaise foi de la S.A.R.L. Fourrures Guy, la cour administrative d'appel, à laquelle il n'est pas reproché d'avoir, ce faisant, commis une erreur de droit, s'est aussi livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce, sans entacher sa décision d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. Fourrures Guy n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : La requête de la S.A.R.L. Fourrures Guy est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. Fourrures Guy et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.