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04/04/1997 | FRANCE | N°116353

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 04 avril 1997, 116353


Vu la requête en tierce opposition, enregistrée le 27 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" dont le siège est ..., représentée par son représentant légal en exercice domicilié audit siège ; la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" demande au Conseil d'Etat :
1°) de déclarer non avenue sa décision en date du 4 octobre 1989 par laquelle il a rejeté le recours du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports et la requête de la ville d'Aix-en-Provence diri

gés contre le jugement du 7 mai 1987 du tribunal administratif de Mar...

Vu la requête en tierce opposition, enregistrée le 27 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" dont le siège est ..., représentée par son représentant légal en exercice domicilié audit siège ; la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" demande au Conseil d'Etat :
1°) de déclarer non avenue sa décision en date du 4 octobre 1989 par laquelle il a rejeté le recours du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports et la requête de la ville d'Aix-en-Provence dirigés contre le jugement du 7 mai 1987 du tribunal administratif de Marseille prononçant l'annulation, à la demande de l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats, d'une part, de l'arrêté du 25 septembre 1985 du préfet des Bouches-du-Rhône portant création de la zone d'aménagement concerté du Faubourg sur le territoire de la ville d'Aix-en-Provence et d'autre part, par voie de conséquence, de la délibération du 30 janvier 1986 du conseil municipal d'Aix-en-Provence autorisant le maire à signer la convention d'aménagement de la zone ;
2°) d'annuler ledit jugement ;
3°) de rejeter la demande de l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats présentée devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme et notamment son article L. 311-7 ;
Vu la loi n° 89-550 du 2 août 1989 ;
Vu le décret n° 86-517 du 14 mars 1989 et notamment son article 26 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION",
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :
Considérant qu'en vertu de l'article 79 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 susvisée, toute personne qui n'a été ni appelée ni représentée dans l'instance peut former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, dès lors qu'elle se prévaut d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié ;
Considérant que, par une décision du 4 octobre 1989, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté le recours du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports et la requête de la ville d'Aix-en-Provence dirigés contre le jugement du 7 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats, a annulé l'arrêté du 25 septembre 1985 du préfet des Bouches-du-Rhône portant création de la zone d'aménagement concerté du Faubourg sur le territoire de la ville d'Aix-en-Provence et, par voie de conséquence, la délibération du 30 janvier 1986 du conseil municipal d'Aix-en-Provence autorisant le maire à passer une convention en vue de l'aménagement de cette zone ; que cette décision a été rendue sans qu'ait été appelée ou représentée la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION", avec laquelle la commune a conclu la convention prévue par la délibération susmentionnée et qui justifiait en cette qualité d'un droit auquel ladite décision a préjudicié ; que, dès lors, la requête en tierce opposition de cette société est recevable ;
Sur le bien-fondé de la tierce opposition :
Sur la compétence du préfet des Bouches-du-Rhône :
Considérant que, par la décision contestée, le Conseil d'Etat a rejeté le recourset la requête dont il était saisi au motif, substitué d'office à celui qu'avait retenu le tribunal administratif, qu'en application de l'article 15 de la loi du 18 juillet 1985, dans les communes dotées, comme c'est le cas d'Aix-en-Provence, d'un plan d'occupation des sols approuvé, le pouvoir de créer une zone d'aménagement concerté telle que celle du Faubourg et d'approuver un plan d'aménagement de zone a été transféré du préfet au conseil municipal, que cette disposition était applicable dès le 19 juillet 1985, date de publication de la loi du 18 juillet 1985 et qu'ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône était incompétent pour prendre, le 25 septembre 1985, un arrêté créant la zone d'aménagement concerté du Faubourg et approuvant le plan d'aménagement de cette zone ;

Considérant, toutefois, qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme ajouté à ce code par la loi du 2 août 1989 susvisée, les dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre III dudit code, dans leur rédaction issue de la loi du 18 juillet 1985, au nombre desquelles figurent les articles L. 311-1 et L. 311-4 qui attribuent compétence au conseil municipal dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols, pour créer les zones d'aménagement concerté et en approuver le plan d'aménagement "sont, quelle que soit l'autorité qui a prononcé la création des zones d'aménagement concerté intéressées et la date de cette création, entrées en vigueur dans les conditions définies par l'article 26 du décret n° 86-517 du 14 mars 1986", c'est-à-dire le 1er avril 1986 ; qu'avant cette date, en vertu des articles L. 311-1 et L. 311-4 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 18 juillet 1985 et des articles R. 311-3-3 et R. 311-15 applicables avant l'entrée en vigueur du décret du 14 mars 1986, le préfet était compétent pour prononcer la création d'une zone d'aménagement concerté sur demande de la commune et en approuver le plan d'aménagement ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet des Bouches-du-Rhône était compétent pour prononcer le 25 septembre 1985 la création de la zone et en approuver le plan ;
Sur le recours n° 89252 et la requête n° 89378 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-2 inséré en tête du livre III de la partie législative du code de l'urbanisme par l'article 1er de la loi du 18 juillet 1985 : "Le conseil municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : ( ...) b) toute création, à son initiative, d'une zone d'aménagement concerté ( ...)" ; que si ces dispositions qui ne font pas partie du chapitre 1er du titre 1er du livre III du code et qui ne nécessitaient pas l'intervention préalable d'un texte réglementaire sont entrées en vigueur dès la publication de la loi du 18 juillet 1985, elles ne sauraient être regardées comme applicables à une opération dont la nature et les options essentielles avaient été arrêtées avant cette publication ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal d'Aix-en-Provence a décidé la création de la zone d'aménagement du Faubourg et en a adopté le dossier de réalisation, par une délibération du 31 octobre 1984 ; que la mise à l'enquête publique du projet et du plan d'aménagement de la zone a été décidée par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 janvier 1985 ; que l'enquête s'étant déroulée entre le 15 janvier et le 15 mars 1985 le commissaire enquêteur a déposé son rapport le 11 avril 1985 ; que si le dossier n'a été transmis au préfet pour approbation que le 31 juillet 1985 et si celle-ci n'est intervenue que le 25 septembre 1985, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de l'article L. 300-2 précité du code de l'urbanisme, le projet doit être regardé comme ayant été avant cette date arrêté dans sa nature et ses options essentielles ; qu'il suit de là que l'arrêté susmentionné du 25 septembre 1985 ne saurait être regardé comme illégal du seul fait que le conseil municipal n'avait pas délibéré sur la procédure de concertation prévue par l'article L. 300-2 ; qu'il suit de là que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le motif tiré de la violation de la procédure de concertation prévue par cet article pour annuler ledit arrêté et, par voie de conséquence, la délibération du 30 janvier 1986 du conseil municipal d'Aix-en-Provence ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le conseil municipal d'Aix-en-Provence aurait dû se prononcer une nouvelle fois sur le projet au terme de la procédure de concertation, en application des dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme issues de l'article 15 de la loi du 18 juillet 1985, ne peut qu'être écarté, dès lors que cette procédure n'avait pas à être mise en oeuvre avant l'intervention des décisions litigieuses ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en autorisant la création de la zone d'aménagement concerté du Faubourg, qui ne comporte la construction que d'une cinquantaine de logements et s'insère dans une zone NA du plan d'occupation des sols pour laquelle il est prévu que l'urbanisation s'effectuera par le procédé de la zone d'aménagement concerté, le préfet des Bouches-du-Rhône ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir et le détournement de procédure allégués ne sont pas établis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de l'association que le ministre de l'équipement et la ville d'Aix-en-Provence sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 25 septembre 1985 du préfet des Bouches-du-Rhône portant création de la zone d'aménagement concerté du Faubourg et, par voie de conséquence, la délibération du 30 janvier 1986 du conseil municipal d'Aix-en-Provence autorisant le maire à passer la convention d'aménagement de la zone avec la société requérante ; que la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" est en conséquence fondée à demander que la décision du Conseil d'Etat du 4 octobre 1989 soit déclarée non avenue ;
Sur les conclusions de la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats à verser à la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" la somme de 8 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La tierce opposition formée par la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" est admise.
Article 2 : La décision en date du 4 octobre 1989 du Conseil d'Etat statuant au contentieux est déclarée non avenue.
Article 3 : Le jugement en date du 7 mai 1987 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 4 : La demande de l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats présentée devant ce tribunal est rejetée.
Article 5 : Les conclusions de la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION" tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME "ART ET CONSTRUCTION", à l'association de défense des sites d'Entremont-aux-Pinchinats, à la ville d'Aix-en-Provence et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 116353
Date de la décision : 04/04/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-08-04 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - TIERCE-OPPOSITION -Mode d'examen des recours en tierce-opposition.

54-08-04 Recours en tierce-opposition contre une décision par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté un appel dirigé contre un jugement de tribunal administratif. Le Conseil d'Etat admet la recevabilité de la tierce-opposition puis examine les moyens invoqués par le requérant. Estimant que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande dont il était saisi, il déclare sa précédente décision nulle et non avenue, annule le jugement et rejette la demande de première instance.


Références :

Arrêté du 04 janvier 1985
Arrêté du 25 septembre 1985
Arrêté du 30 janvier 1986
Code de l'urbanisme L311-7, L311-1, L311-4, L300-2
Décret du 14 mars 1986
Loi du 18 juillet 1985 art. 15, art. 1
Loi 89-550 du 02 août 1989
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-1708 du 31 juillet 1945 art. 79


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 1997, n° 116353
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Gervasoni
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:116353.19970404
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