Vu 1°), sous le n° 142 266, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre 1992 et 1er mars 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département de la Loire, représenté par le président du conseil général, domicilié à l'Hôtel du Département, ... ; le département de la Loire demande que le Conseil d'Etat annule le décret n° 92-841 du 28 août 1992, portant statut particulier du cadre d'emplois des conseillers territoriaux socioéducatifs ;
Vu 2°), sous le n° 142 390, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 novembre 1992 et 2 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France, dont le siège est ... ; cette association demande aussi que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 92-841 du 28 août 1992 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. le Président du conseil général du département de la Loire et de Me Delvolvé, avocat de l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du département de la Loire et de l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France sont dirigées contre le même décret du 28 août 1992, portant statut particulier du cadre d'emplois des conseillers territoriaux socio-éducatifs ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le ministre de la santé n'est pas chargé de l'exécution du décret attaqué ; que, dès lors, le département de la Loire n'est pas fondé à soutenir que ce ministre aurait dû le contresigner ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 26 janvier 1984 : "Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale ... est consulté par le ministre chargé des collectivités territoriales pour les décrets réglementaires relatifs à la situation des fonctionnaires territoriaux et aux statuts particuliers des cadres d'emploi ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet du décret attaqué a été soumis à l'assemblée plénière du conseil supérieur de la fonction publique territoriale ; que le gouvernement a apporté, postérieurement à cette consultation, certaines modifications aux dispositions de son projet ; qu'il résulte, toutefois, du procès-verbal de la réunion de l'assemblée plénière du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, que le gouvernement l'avait informé, au cours de cette réunion, des modifications qu'il entendait apporter à son projet avant de le soumettre au Conseil d'Etat ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique doit être écarté ;
Considérant, qu'il résulte de la comparaison du texte du projet soumis à l'avis du Conseil d'Etat à celui du décret attaqué, que ce dernier est conforme, sur des dispositions divisibles entre elles, soit au texte soumis au Conseil d'Etat, soit au texte adopté par celui-ci ; qu'il n'est donc pas entaché d'incompétence ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 26 janvier 1984 : "Les fonctionnaires territoriaux appartiennent à des cadres d'emplois régis par des statuts particuliers communs aux fonctionnaires des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics ... Ces statuts particuliers ont un caractère national. Un cadre d'emplois regroupe les fonctionnaires soumis au même statut particulier, titulaires d'un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d'emplois ..." ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : "Les statuts particuliers sont établis par décret en Conseil d'Etat. Ils précisent notamment le classement de chaque cadre d'emplois, emploi ou corps dans l'une des quatre catégories mentionnées à l'article 5 du présent titre" ; qu'en chargeant le gouvernement d'établir ces statuts particuliers, l'article 6 de la loi du 26 janvier 1984 l'a nécessairement habilité à définir les fonctions que seraient appelés à exercer les fonctionnaires des différents cadres d'emplois, ainsi que l'organisation hiérarchique à l'intérieur de chaque de ceux-ci, la durée du stage préalable à la titularisation, les règles de l'avancement d'échelon et de constitution initiale du corps, sans qu'y fassent obstacle, ni les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, ni celles des articles 7 et 11 de la loi du 12 juillet 1984, relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait illégal comme contraire au principe de libre administration des collectivités locales, doivent être écartés ;
Considérant, cependant, que le sixième et dernier alinéa de l'article 2 du décret attaqué, qui dispose qu' "il peut être créé un emploi de conseiller technique dans chaque département et deux dans les départements de plus de un million d'habitants" restreint la possibilité, pour les autorités délibérantes des départements, de créer des emplois de conseiller technique et excède ainsi les limites de l'habilitation accordée au gouvernement par l'article 6 de la loi du 26 janvier 1984 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Loire et l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France sont seulement fondés à demander l'annulation du sixième alinéa de l'article 2 du décret du 28 août 1992, attaqué ;
Article 1er : Le sixième alinéa de l'article 2 du décret n° 92-841 du 28 août 1992 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes du département de LA Loire et de l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de la Loire, à l'Assemblée des présidents des conseils généraux de France et au ministre de l'intérieur.