Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques Y... demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 18 novembre 1994 par laquelle la commission bancaire a désigné M. Jean X... en qualité d'administrateur provisoire de l'établissement de crédit Banque Commerciale Privée, pour une durée de six mois renouvelable ;
2°) d'ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Y... et de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la Commission Bancaire, du ministre de l'économie et des finances et de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 de la loi susvisée du 24 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 : "La commission bancaire peut désigner un administrateur provisoire auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne morale. Cette désignation est faite soit à la demande des dirigeants lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions, soit à l'initiative de la commission lorsque la gestion de l'établissement ne peut plus être assurée dans des conditions normales, ou lorsque a été prise l'une des sanctions visées à l'article 45, 4° et 5°" ; qu'aux termes de l'article 48 de la même loi modifiée : "I - Lorsque la commission bancaire statue en application de l'article 45, elle est une juridiction administrative. II - Lorsque des circonstances particulières le justifient, la commission peut prononcer les mesures prévues aux articles 44 et 46 sans procédure contradictoire. Les mesures mentionnées à l'alinéa précédent sont levées ou confirmées par la commission, après procédure contradictoire, dans un délai prévu par décret en Conseil d'Etat. III - La commission délibère valablement lorsque la majorité absolue des membres qui la composent sont présents ou représentés. En outre, sauf s'il y a urgence, elle ne délibère valablement en qualité de juridiction administrative que lorsque la totalité de ses membres sont présents ou représentés" ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, lorsqu'elle fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 44 de la loi précitée, la commission bancaire ne prend pas une décision de caractère juridictionnel mais statue comme autorité administrative ; que, dès lors, le requérant ne saurait utilement invoquer une éventuelle méconnaissance de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les dispositions ne sont, en tout état de cause, applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant des juridictions lorsqu'elles statuent sur les droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 18 novembre 1994, la Banque Commerciale Privée se trouvait dans l'impossibilité de rembourser les concours accordés par l'Union Industrielle de Crédit à leur date d'exigibilité ; qu'il ressortait notamment du tableau de trésorerie établi le 18 novembre 1994 par la Banque Commerciale Privée que celle-ci se trouverait dans l'impossibilité de faire face à ses dettes exigibles avec sa trésorerie disponible à compter du 21 novembre 1994 ; qu'aucune mesure prise par les dirigeants de la banque n'apparaissait susceptible de remédier à cette situation ; qu'au regard des risques susceptibles de découler d'une telle situation, la commission bancaire a pu légalement estimer que des circonstances particulières justifiaient que la décision attaquée soit prise sans procédure contradictoire ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que le moyen tiré de ce que la loi susvisée du 24 janvier 1984, en autorisant la commission bancaire à nommer un administrateur provisoire, conduirait celle-ci à empiéter sur les compétences dévolues au juge judiciaire, n'est pas de nature à être utilement présenté devant la juridiction administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, au regard de la crise de liquidité rencontrée par l'établissement, de l'absence de solutions crédibles pour y faire face et des risquesd'incidents de paiement, la commission bancaire a pu légalement estimer que la gestion de l'établissement ne pouvait plus être assurée dans des conditions normales, et procéder, le 18 novembre 1994, à la nomination de M. Jean X... en qualité d'administrateur provisoire de la Banque Commerciale Privée, pour une durée de six mois renouvelable ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle la commission bancaire a procédé à la nomination de M. Jean X... en qualité d'administrateur provisoire de la Banque Commerciale Privée ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques Y... et au ministre de l'économie et des finances.