Vu le recours du ministre de l'économie et des finances, enregistré le 13 juin 1995, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 avril 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 12 mai 1992 du tribunal administratif de Paris accordant à MM. Robert Y... et Rainer X... la restitution d'un montant de droits de taxe sur la valeur ajoutée de 91.328 F, au titre de la période de janvier à mai 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Plagnol, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de MM. Robert Y... et Rainer X... ;
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 271 du code général des impôts : "1- La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ... 4. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que (si elles étaient soumises) à la taxe sur la valeur ajoutée : ... d) les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ..." ; que les articles 242-OM et 242-ON de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction issue des articles 1er et 2 du décret n° 80-1077 du 24 décembre 1980, pris en application du 4 d) précité de l'article 271 en vue de l'adaptation de la règlementation nationale aux articles 1er, 2 et 7.1 de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil des communautés européennes du 6 décembre 1979, relative aux modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée supportée dans un Etat membre de la communauté européenne par des assujettis établis dans un autre Etat membre, disposent respectivement, que "les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable, ou à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle, et n'y ont pas réalisé, durant la même période, d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts" et que "est remboursée aux assujettis établis dans un Etat membre de la communauté européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ... les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévus par l'article 242-OM, dans la mesure où ces biens ... sont utilisés pour la réalisation ou les besoins : a) d'opérations dont le lieu d'imposition se situe à l'étranger, mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ..." ; qu'il résulte, d'une part, des dispositions du 1.a) de l'article 259 A du code général des impôts, pris pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 9 de la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennns du 17 mai 1977, modifié par la dixième directive 84/386/CEE du 31 juillet 1984, que la location de moyens de transports, même utilisés en France, n'y est pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le prestataire est établi à l'étranger et, notamment, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, d'autre part, des dispositions du 1. précité de l'article 271 du code général des impôts et des articles 237 et 242 de l'annexe II au même code, pris en application du 2. de l'article 273 de ce dernier, qu'une telle location ouvrirait droit à déduction si son lieu d'imposition était situé en France ; que, par suite, le loueur de moyens de transports, tels que des bateaux de plaisance, qui les a acquis ou importés en France, mais qui, au cours de la période définie à l'article 242-OM précité, n'y avait, ni le siège de ses activités économiques ou un établissement stable, caractérisé par la
disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à la prestation du service de location, ni, davantage, son domicile ou sa résidence habituelle, et n'y avait pas réalisé d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, a droit, s'il est établi dans un autre Etat membre de la communauté économique européenne, dans lequel il est assujetti à cette taxe, au remboursement de celle qui lui a été régulièrement facturée en France au titre de cette acquisition ou cette importation ;
Considérant que, dans les motifs de son arrêt, la cour administrative d'appel de Paris a relevé, d'une part, que MM. Y... et X..., qui avaient acquis en France, en 1988, un bateau de plaisance et l'avaient fait amarrer dans le port de Cogolin (Var), en avait confié la garde et l'entretien à la société française "Mediterrean Yachting", qui a son siège à Cogolin, à laquelle ils avaient, en outre, donné mandat de le louer pour leur compte à toute personne intéressée, d'autre part, que MM. Y... et X..., domiciliés à Villingen-Schwenningen (Allemagne), étaient assujettis dans ce pays à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de leur activité de loueur de moyens de transport ; qu'en déduisant des faits ainsi constatés que MM. Y... et X... avaient droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, s'élevant à la somme de 91 328 F, qui leur a été facturée lors de l'acquisition en France du bateau de plaisance qu'ils y mettent en location, dès lors qu'ils ne pouvaient être regardés comme ayant eu en France, au cours de la période à laquelle se rapporte la demande de remboursement qu'ils ont formulée, le siège de leur activité économique ou, par l'intermédiaire de leur mandataire, la société française "Mediterranean Yachting", un établissement stable, et, en outre, que, durant la même période, ils n'avaient pas réalisé en France d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts, la cour administrative d'appel a fait une exacte application des articles 242-OM et 242-ON précités ; que, par suite, le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à MM. Y... et X... une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à MM. Y... et X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à MM. Y... et X....