Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christophe X..., demeurant à Chennebrun (27280) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 juin 1992 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice de la propharmacie dans les communes de Chennebrun, Gournay-le-Guérin, Armentières-sur-Avre, Saint-Christophe-sur-Avre, Saint-Victor-sur-Avre, Rohaire, Beaulieu, Irai, Moussonvilliers et Saint-Maurice-les-Charencey ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Ménardière, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. Christophe X...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 594 du code de la santé publique : "Les docteurs en médecine établis dans les agglomérations où il n'y a pas de pharmacien ayant une officine ouverte au public peuvent être autorisés par le préfet, ... à avoir chez eux un dépôt de médicaments et à délivrer, aux personnes auxquelles ils donnent leurs soins, les médicaments simples et composés inscrits sur une liste établie par le ministre de la santé publique ..." ; que par arrêté du 4 juin 1992, le préfet de l'Eure a rejeté la demande de M. X..., médecin installé à Chennebrun (Eure), aux fins d'exercer la propharmacie sur le territoire des communes de Chennebrun, Gournay-le-Guérin, Armentières-sur-Avre, Saint-Christophe-sur-Avre, Saint-Victor-sur-Avre, Rohaire, Beaulieu, Irai, Moussonvilliers, Saint-Maurice-les-Charencey ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'exception de la commune d'Irai, les communes sur le territoire desquelles M. X... demande l'autorisation d'exercer la propharmacie sont situées à 7 km et plus de l'officine pharmaceutique la plus proche ; qu'une partie importante de leur population est âgée ; qu'il n'existait pratiquement pas de transports publics à la date de l'arrêté du 4 juin 1992 ; qu'il suit de là que le préfet de l'Eure a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 594 du code de la santé publique en refusant à M. X... l'autorisation qu'il sollicitait et qui aurait pris la suite de celle dont était titulaire le prédécesseur de ce praticien ; que le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 juin 1992 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 12 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 20 janvier 1995 et l'arrêté du 4 juin 1992 par lequel le préfet de l'Eure a refusé d'accorder à M. X... l'autorisation d'exercer la propharmacie sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 12 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Christophe X... et au ministre du travail et des affaires sociales.