Vu l'ordonnance du 19 novembre 1993, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 2 novembre 1993, présentée pour la société anonyme Grégory, dont le siège social est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la société anonyme Grégory demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 janvier 1993 de l'inspecteur du travail de la 7ème section du Rhône qui l'avait autorisée à licencier Mme Nicole Y... pour motif économique ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si elle était en infraction avec la législation sur le travail clandestin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Plagnol, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme Nicole Y... et de l'Union départementale du Rhône CFDT,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance de Mme Y... :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 425-1 du code du travail, les délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; qu'un tel licenciement ne doit être en rapport, ni avec les fonctions représentatives normalement exercées par les intéressés, ni avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie ce licenciement, compte tenu, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées ;
Considérant que la société anonyme Grégory, qui était spécialisée dans la fabrication et le commerce de gros d'articles d'habillement en prêt à porter a été autorisée par l'inspecteur du travail à licencier Mme Y..., déléguée du personnel, pour un motif économique tenant aux graves difficultés qui l'ont conduite à cesser son activité de fabricant et à licencier tout le personnel de son atelier de production ; que le fait, à le supposer établi, que les fabricants dont, après la fermeture de cet atelier, la société anonyme Grégory est devenue la cliente pour assurer la poursuite de son activité de commerce de gros aient eu recours à de la main d'oeuvre clandestine, n'est pas de nature à priver de justification le licenciement de Mme X..., dès lors que la réalité des difficultés économiques invoquées à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement n'est pas contestée ; qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu, pour le Conseil d'Etat, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge pénal se soit prononcé sur la procédure d'information ouverte à l'encontre du président-directeur général de la société anonyme Grégory, des chefs de travail clandestin, ventes sans facture et emploi d'étrangers en situation irrégulière, cette société est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lyon s'est, à tort, fondé, pour annuler la décision du 8 janvier 1993, par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à licencier Mme Y..., sur ce que la suppression du poste occupé par cette dernière avait été motivée par le transfert de l'activité de fabrication de l'entreprise à des ateliers clandestins ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme Y... dans sa demande de première instance ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme Y... ait été liée à l'exercice par celle-ci de son mandat représentatif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme Grégory est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société anonyme Grégory, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme Y... et à l'Union départementale CFDT (69), la somme qu'elles réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 juillet 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, par Mme Y... et par l'Union départementale CFDT (69) sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Grégory, à Mme Y..., à l'Union départementale CFDT (69) et au ministre du travail et des affaires sociales.