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15/04/1996 | FRANCE | N°133240

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 15 avril 1996, 133240


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier et 24 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Nîmes, représentée par son maire en exercice ; la commune de Nîmes demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 novembre 1991 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé l'arrêté du maire en date du 18 mars 1991 portant licenciement de Mme X... ;
2°) rejette la demande de Mme X... présentée devant ce tribunal ;
3°) décide qu'il sera sursis à l'exécuti

on du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des com...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier et 24 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Nîmes, représentée par son maire en exercice ; la commune de Nîmes demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 novembre 1991 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé l'arrêté du maire en date du 18 mars 1991 portant licenciement de Mme X... ;
2°) rejette la demande de Mme X... présentée devant ce tribunal ;
3°) décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée par la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le décret n° 86-227 du 18 février 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de la commune de Nîmes, et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Josiane X...,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la date de réception par Mme X... de l'arrêté du maire de Nîmes en date du 18 mars 1991 prononçant son licenciement n'est pas établie par les pièces du dossier ; que la commune de Nîmes n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la date de cette notification ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande présentée le 23 mai 1991 par Mme X... ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 18 mars 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 136 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : "Les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions des articles 126 à 135 ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à l'expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 128" ; qu'aux termes de l'article 128 de la même loi : "Par dérogation à l'article 36, des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 126, 127 et 137 l'accès aux différents corps ou emplois de fonctionnaires territoriaux suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une ou l'autre de ces modalités ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 126 de la même loi : "Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les organes délibérants des collectivités ou établissements concernés sous réserve : 1° D'être en fonctions à la date de publication de la présente loi ( ...) ; 2° D'avoir accompli, à la date du dépôt de leur candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet dans un des emplois sus-indiqués ; 3° De remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre Ier du statut général" ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les agents des collectivités locales répondant aux conditions requises pour avoir vocation à être titularisés et dont le contrat était en cours d'exécution le 27 janvier 1984, date à laquelle la loi précitée du 26 janvier 1984 a été publiée, ne pouvaient être licenciés, à compter de cette date et jusqu'à l'expiration des délais d'option que devaient ouvrir les décrets prévus à l'article 128 de la même loi, que pour des motifs tirés de l'insuffisance professionnelle ou d'une faute disciplinaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 18 février 1986 : "Les agents non titulaires des communes ( ...) qui occupent un des emplois définis à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et qui remplissent les conditions énumérées respectivement aux articles 126 et 127 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, ont vocation à être titularisés sur leur demande dans des corps ou dans des emplois classés en catégorie A ou B déterminés en application de l'article 129 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, dans les conditions fixées au tableau de correspondance annexé au présent décret" et qu'aux termes de l'article 7 du même décret : "Les agents non titulaires disposent, pour présenter leur candidature, d'un délai de six mois à compter de la publication du présent décret s'ils remplissent les conditions requises, ou, à défaut, à compter de la date à laquelle ils réunissent les conditions prévues par l'article 126 ou 127 de la loi du 26 janvier 1984 précitée" ;
Considérant que si le tableau de correspondance annexé au décret du 18 février 1986 ne précise pas sur quels emplois peuvent être titularisés les agents contractuels occupant des emplois spécifiques, cette lacune, qui ne saurait priver les intéressés de la vocation à titularisation que leur ont ouverte les dispositions législatives susanalysées, a pour conséquence que le délai d'option de six mois prévu par le décret n'a pas couru en ce qui les concerne ;
Considérant, d'une part, que l'emploi de médecin du travail créé par délibération du conseil municipal de la commune de Nîmes sur le fondement de l'article L. 412-2 du code des communes était un emploi permanent au sens de l'article 3 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, nonobstant le fait qu'il n'était pas occupé par un agent titulaire et ne figurait pas sur la liste des emplois communaux ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, que le contrat de Mme X..., qui a été recrutée le 14 septembre 1983 pour occuper l'emploi en cause, était en cours d'exécution le 27 janvier 1984 ; qu'elle avait accompli, à la date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet ; qu'il n'est pas contesté qu'elle remplissait les conditions prévues au 3° de l'article 126 précité de la loi du 26 janvier 1984 ; que l'arrêté du maire de Nîmes, par lequel a été prononcé le licenciement de Mme X..., n'est motivé ni par l'insuffisance professionnelle ni par une faute disciplinaire commise par l'intéressée ; que, par suite, en prononçant son licenciement le maire de Nîmes a violé les dispositions précitées de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 ; que, dès lors, la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la commune de Nîmes à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune de Nîmes est rejetée.
Article 2 : La commune de Nîmes versera à Mme X... une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Nîmes, à Mme Josiane X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 133240
Date de la décision : 15/04/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTEGRATIONS - INTEGRATION DE PERSONNELS N'APPARTENANT PAS ANTERIEUREMENT A LA FONCTION PUBLIQUE - Dispositions relatives à l'intégration des agents non titulaires des collectivités territoriales (articles 126 à 136 de la loi du 26 janvier 1984) - Faculté de licencier les agents ayant vocation à l'intégration limitée "jusqu'à l'expiration des délais d'option" ouverts par décrets (article 136) - Absence d'intervention des décrets relatifs aux agents occupant des emplois spécifiques - Conséquences - a) Absence d'ouverture du délai d'option - b) Licenciement possible seulement en cas d'insuffisance professionnelle ou de motif disciplinaire.

36-04-04, 36-07-01-03, 36-10-06-02, 36-12-03-01 Il résulte des dispositions des articles 126, 128 et 136 de la loi du 26 janvier 1984 que les agents non titulaires des collectivités territoriales répondant aux conditions requises pour avoir vocation à être titularisés et dont le contrat était en cours d'exécution à la date de publication de cette loi ne pouvaient être licenciés, à compter de cette date et jusqu'à l'expiration des délais d'option que devaient ouvrir les décrets prévus à l'article 128 de la même loi, que pour des motifs tirés de l'insuffisance professionnelle ou d'une faute disciplinaire. Ni le décret du 18 février 1986, pris en application de cet article, ni aucun autre texte n'ayant précisé les corps ou emplois classés en catégorie A ou B dans lesquels les agents non titulaires des communes occupant des emplois spécifiques ont vocation à être titularisés, aucun délai d'option n'a couru en ce qui les concerne. Décision de licenciement d'un agent non titulaire communal occupant un emploi de médecin du travail et ayant vocation à être titularisé méconnaissant les dispositions de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, dès lors qu'elle n'est motivée ni par l'insuffisance professionnelle de cet agent, ni par un motif disciplinaire.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984) - Dispositions relatives à l'intégration des agents non titulaires des collectivités territoriales (articles 126 à 136) - Faculté de licencier les agents ayant vocation à l'intégration limitée "jusqu'à l'expiration des délais d'option" ouverts par décrets (article 136) - Absence d'intervention des décrets relatifs aux agents occupant des emplois spécifiques - Conséquences - a) Absence d'ouverture du délai d'option - b) Licenciement possible seulement en cas d'insuffisance professionnelle ou de motif disciplinaire.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT - AUXILIAIRES - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - Agents non titulaires des collectivités territoriales occupant des emplois spécifiques - Dispositions relatives à leur intégration dans les corps ou emplois de fonctionnaires territoriaux (articles 126 à 136 de la loi du 26 janvier 1984) - Faculté de licencier les agents ayant vocation à l'intégration limitée "jusqu'à l'expiration des délais d'option" ouverts par décrets (article 136) - Absence d'intervention des décrets relatifs aux agents occupant des emplois spécifiques - Conséquences - a) Absence d'ouverture du délai d'option - b) Limitation des licenciements aux cas d'insuffisance professionnelle ou de motif disciplinaire.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT - LICENCIEMENT - Agents non titulaires des collectivités territoriales occupant des emplois spécifiques - Dispositions relatives à leur intégration dans les corps ou emplois de fonctionnaires territoriaux (articles 126 à 136 de la loi du 26 janvier 1984) - Faculté de licencier les agents ayant vocation à l'intégration limitée "jusqu'à l'expiration des délais d'option" ouverts par décrets (article 136) - Absence d'intervention des décrets relatifs aux agents occupant des emplois spécifiques - Conséquences - a) Absence d'ouverture du délai d'option - b) Limitation des licenciements aux cas d'insuffisance professionnelle ou de motif disciplinaire.


Références :

Code des communes L412-2
Décret 86-227 du 18 février 1986 art. 1, art. 7, annexe
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 3
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 136, art. 128, art. 126
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 1996, n° 133240
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Gervasoni
Rapporteur public ?: M. Toutée
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:133240.19960415
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