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20/03/1996 | FRANCE | N°153319

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 20 mars 1996, 153319


Vu le recours, enregistré le 9 novembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 22 juillet 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 21 novembre 1991 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société immobilière Kléber-Lauriston des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1980 à 1983 à concurrence, respectivement, de 181 200 F, 130 558 F, 536 494 F et 4 538 308 F, ainsi q

ue des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
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Vu le recours, enregistré le 9 novembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 22 juillet 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 21 novembre 1991 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société immobilière Kléber-Lauriston des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1980 à 1983 à concurrence, respectivement, de 181 200 F, 130 558 F, 536 494 F et 4 538 308 F, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de MINISTRE DU BUDGET,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 15 de la loi du 12 juillet 1965, modifié par l'article 7-II de la loi du 27 décembre 1973 portant loi de finances pour 1974 : "1. Les plus-values nettes dégagées sur l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé apporté du fait d'une fusion ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés ... 3. L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes ... c. Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. d - Elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport de biens amortissables. Cette réintégration peut être étalée sur une période n'excédant pas cinq ans, sans que la somme réintégrée chaque année puisse être inférieure au cinquième des plus-values. En contrepartie, les amortissements et les plus-values ultérieurs afférents aux éléments amortissables sont calculés d'après la valeur qui leur a été attribuée lors de l'apport. 4. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, la société absorbée peut opter pour l'imposition au taux réduit, prévu à l'article 219.a, des plus-values à long terme afférentes à ses éléments amortissables. Dans ce cas, le montant des réintégrations visées au 3.d est réduit à due concurrence" ;
Considérant que, dans une instruction 4 I-3-74 du 7 mai 1974, publiée au Bulletin Officiel de la direction générale des impôts, l'administration a, en conséquence des nouvelles règles découlant de l'adoption de l'article 7-II de la loi de finances pour 1974, qui a réduit à cinq ans la durée, initialement fixée à 10 ans, de la période de réintégration des plus-values dégagées lors de l'apport de biens amortissables, prévue par le 3.d de l'article 210 A, admis que "lorsque la fraction de la plus-value globale à réintégrer afférente aux constructions autres que celles pouvant bénéficier de l'amortissement dégressif en vertu de l'article 39-A-2 du code général des impôts sera au moins égale à 50 % de la plus-value globale, cette fraction de plus-value pourra être réintégrée, par parts égales, sur une période égale à la durée moyenne pondérée d'amortissement de ces constructions si cette période excède cinq ans", mais que "cette répartition ne pourra pas être faite sur une période supérieure à quinze ans" ; que l'instruction précise, toutefois, que la fraction de la plus-value globale afférente aux mêmes constructions pourra, lorsqu'elle est au moins égale à 90 % de cette plus-value, être réintégrée, par parts égales, sur la durée moyenne pondérée d'amortissement des immeubles, même si elle est supérieure à quinze ans ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société immobilière Kléber-Lauriston qui a bénéficié en 1979, de l'apport des immeubles de l'ancienne Société immobilière des chantiers de l'Atlantique et avait pris, dans l'acte de fusion, les engagements prévus par le 3 de l'article 210 A du code général des impôts, de sorte que les plus-values constatées à l'occasion de ce transfert d'actifs n'ont pas été soumises, au nom de la société absorbée, à l'impôt sur les sociétés, a procédé, conformément aux dispositions du 3.d de l'article 210 A, à la réintégration de ces plus-values dans les résultats de ses exercices clos après la fusion, mais faisant application de la solution prévue par l'instruction administrative précitée dans le cas où la fraction de la plus-value globale à réintégrer est au moins égale à 50 %, mais inférieure à 90 % de cette plus-value, a décidé d'étaler cette réintégration sur la durée moyenne pondérée d'amortissement des constructions concernées, dans la limite de quinze ans, et ne l'a, en conséquence, fait porter, par année, que sur le quinzième des plus-values ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société immobilière Kleber-Lauriston, l'administration a estimé que, du fait qu'elle avait revendu, au cours des années 1980 à 1983, plusieurs des immeubles qui lui avaient été apportés lors de la fusion, elle ne pouvait plus bénéficier de l'étalement sur quinze ans qu'elle avait pratiqué et elle a réparti la fraction des plus-values constatées lors de l'apport de ces immeubles qui n'avait pas encore été réintégrée à la date de la cession, sur les exercices restant à courir jusqu'à l'expiration de la période de cinq ans ayant commencé à la date de la fusion ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société immobilière Kleber-Lauriston des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie en conséquence de ce redressement ;

Considérant que le ministre du budget soutient que la Cour a commis une erreur de droit en jugeant que le fait par la société immobilière Kleber-Lauriston d'avoir cédé en cours d'amortissement les immeubles qui lui avaient été apportés ne faisait pas obstacle à ce qu'elle conservât le bénéfice de la "mesure de tempérament" prévue par l'instruction administrative du 7 mai 1974, dont elle avait entendu se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que le ministre fait valoir, à cet égard, que l'application des dispositions, alors en vigueur, du 3.d de l'article 210 A du code général des impôts, qui permettent à la société absorbante de compenser la réintégration, étalée sur une période de cinq ans, des plus-values afférentes aux biens amortissables qui lui ont été apportés par une majoration, à concurrence du montant de ces dernières, de la valeur d'après laquelle l'amortissement de ces biens doit être calculé après la fusion, est fiscalement neutre pour ceux de ces biens dont la durée d'amortissement est voisine de cinq ans, mais peut se traduire, pour ceux qui doivent être amortis sur une durée nettement supérieure, par une "anticipation de l'imposition" des plus-values dégagées lors de leur apport, en raison du décalage des deux "calendriers" de réintégration et de déduction ; que c'est en vue, selon le ministre, de ne pas porter atteinte au principe de neutralité fiscale du régime des fusions, que, dans ce cas, l'instruction du 7 mai 1974 a prévu un ajustement des deux périodes de réintégration et de déduction ; que les entreprises qui détiennent encore les biens qui leur ont été apportés à l'issue du délai légal de cinq ans étant seules susceptibles, par hypothèse, d'être affectées par un décalage marqué de ces deux périodes, le ministre soutient que l'extension du dispositif d'ajustement précité aux entreprises ayant cédé les mêmes biens moins de cinq ans après l'apport qui leur en a été fait, serait dépourvu de toute signification ;
Mais considérant que l'instruction du 7 mai 1974 ne subordonne le bénéfice de la mesure qu'elle prévoit qu'aux seules conditions qu'elle énonce expressément ; qu'en l'absence, dans le texte même de cette instruction, de toute mention explicite de la condition supplémentaire, ci-dessus indiquée, qui, selon le ministre du budget, devrait être satisfaite par les entreprises désirant étaler sur plus de cinq ans la réintégration des plus-values de fusion afférentes à certains biens amortissables, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit en jugeant mal fondé le redressement dont la société immobilière Kleber-Lauriston a fait l'objet, dès lors qu'elle remplissait, ainsi qu'il n'était pas contesté, toutes les conditions expressément exigées par l'instruction du 7 mai 1974 pour bénéficier de l'avantage prévu par celle-ci ; que le ministre du budget n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire applicationdes dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la société immobilière Kléber-Lauriston une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à la société immobilière Kléber-Lauriston une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société immobilière Kléber-Lauriston.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 153319
Date de la décision : 20/03/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-01-01-03,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - LEGALITE DES DISPOSITIONS FISCALES - INSTRUCTIONS -Interprétation de la doctrine administrative par le juge (non) (1).

19-01-01-01-03 Il n'appartient pas au juge de l'impôt d'interpréter une instruction par laquelle l'administration fiscale a publié une interprétation formelle de la loi fiscale (sol. impl.) (1).


Références :

CGI 210 A
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Instruction 4-I-3-74 du 07 mai 1974
Loi 65-566 du 12 juillet 1965 art. 15
Loi 73-1150 du 27 décembre 1973 art. 7 Finances pour 1974
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. 1992-03-30, Société générale, p. 139


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 1996, n° 153319
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélémy, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:153319.19960320
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