Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet 1994 et 10 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT), dont le siège est ... ; la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT) demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 94-414 du 25 mai 1994 relatif au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, notamment son article 78 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Faure, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT),
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 13, premier alinéa, du décret attaqué aux termes desquelles : "- Le président du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts est entendu par les sections du Conseil économique et social, à leur demande, pour leur présenter le rapport annuel et recueillir leur avis sur le programme des travaux du conseil", les dispositions de l'article 6 et celles de l'article 17 du même décret différent tant de celles figurant dans le projet du gouvernement que de celles adoptées par le Conseil d'Etat ; que, par suite, elles sont entachées du vice d'incompétence ; que ces dispositions qui ne sont pas indivisibles par rapport aux autres dispositions du décret doivent être annulées ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 78 de la loi du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle : "- Un organisme dénommé "Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts" est chargé, à compter du 1er janvier 1994, de contribuer à la connaissance des revenus, des coûts de production et des liens entre l'emploi et les revenus et de formuler des recommandations de nature à favoriser l'emploi. Ce conseil se substitue à tout organisme existant chargé de missions similaires à celles définies ci-dessus. Il établit un rapport annuel qui est transmis au Premier ministre et au Parlement, puis rendu public. Un décret en Conseil d'Etat détermine la composition et le fonctionnement du Conseil institué au présent article, dans des conditions de nature à assurer son indépendance et à garantir la qualité de ses travaux" ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 25 mai 1994 relatif au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts : "- Le Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts est composé de neuf membres, nommés dans les conditions suivantes : 1° Un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ; 2° Un magistrat de la Cour des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes ; 3° Un membre du Conseil national de l'information statistique, désigné par le bureau de ce conseil ; 4° Un professeur des universités des disciplines juridiques et économiques, désigné par le Conseil national des universités ; 5° Deux membres de droit : le commissaire au Plan et le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques ; 6° Trois membres choisis par les six membres précédents parmi les personnalités connues en raison de leur expérience dans les domaines de compétence du conseil" ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des articles 2, 3 et 5 du même décret, le président du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts est nommé par le Premier ministre parmi les membres autres que les membres de droit, le mandat des membres est de quatre ans renouvelable une fois, enfin le Conseil est assisté d'un rapporteur général nommé pour une durée de trois ans renouvelable une fois par le Premier ministre sur proposition du président du Conseil et aux fonctions duquel il ne peut être mis fin que dans les mêmes conditions ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions relatives à la composition et au fonctionnement du Conseil supérieur de l'emploi des revenus et des coûts que le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elles ne permettraient pas d'assurer l'indépendance de cet organisme ;
Considérant enfin que si l'organisation syndicale requérante soutient que le décret aurait dû prévoir que le Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts serait assisté d'une "équipe (de collaborateurs), stable, pluridisciplinaire et de haut niveau" capable d'apprécier et "d'expertiser" les travaux et les études fournies par les administrations au Conseil, l'absence d'une telle disposition n'est pas de nature, eu égard notamment à la composition et aux conditions de fonctionnement de l'organisme ci-dessus rappelées, à affecter la qualité de ses travaux ; que, dès lors, le surplus des conclusions de la requête de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT) doit être rejeté ;
Article 1er : Les articles 6, 13 (premier alinéa) et 17 du décret du 25 mai 1994 relatif au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT) est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (CFDT), au Premier ministre, au ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, au ministre de l'économie, des finances et du plan et au ministre du travail, du dialogue social et de la participation.