Vu, 1°) sous le n° 87 630, la requête enregistrée le 23 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Union maritime C.F.D.T., dont le siège est ... (76061), représentée par M. Hervé Béliard, conseiller technique de l'union ; l'Union maritime C.F.D.T. demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 87-190 du 20 mars 1987 relatif à l'immatriculation et à l'armement des navires dans le Territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises, les arrêtés du 20 mars 1987 pris pour l'application des articles 3, 4, 5 et 7 du décret précité et la circulaire du 20 mars 1987 prise pour leur application ;
Vu, 2°) sous le n° 87 684, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai 1987 et 27 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération nationale des syndicats maritimes, dont le siège est ... (93514) ; la fédération demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 87-190 du 20 mars 1987 relatif à l'immatriculation et à l'armement des navires dans le Territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises, les arrêtés du 20 mars 1987 pris pour l'application des articles 3, 4, 5 et 7 dudit décret, et la circulaire du 20 mars 1987 prise pour leur application ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Broglie, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Fédération nationale des syndicats maritimes,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la Fédération nationale des syndicats maritimes C.G.T. et de l'Union maritime C.F.D.T. sont dirigées contre les mêmes actes administratifs ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 87 684 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à cette requête :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le secrétaire d'Etat à la mer, la Fédération nationale des syndicats maritimes C.G.T. a invoqué dans sa requête sommaire des moyens tant de légalité interne que de légalité externe ; qu'ainsi aucun moyen développé par elle après l'expiration du délai de recours contentieux ne saurait être écarté pour irrecevabilité comme reposant sur une cause juridique nouvelle ;
En ce qui concerne la légalité du décret du 20 mars 1987 :
Considérant que le code du travail maritime, s'il a été rendu applicable, en vertu de la loi susvisée du 12 juillet 1966, aux territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, ne s'applique pas dans le territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises, dans lequel demeure applicable le code du travail de l'outre-mer institué par la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 ; que, par application des dispositions de l'article 30, premier alinéa, dudit code, les contrats de travail conclus pour être exécutés dans l'un des territoires où s'applique le code du travail de l'outre-mer sont soumis à l'ensemble des dispositions de celui-ci ; qu'il en est ainsi, dès lors qu'ils échappent au régime institué par le code du travail maritime, des contrats d'engagement maritime conclus par des marins pour servir à bord de navires immatriculés dans un port du territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises ; que, par suite, lorsque des navires qui étaient immatriculés dans un port de la métropole, d'un département d'outre-mer, ou d'un territoire d'outre-mer autre que celui des Terres Australes et Antarctiques Françaises se font immatriculer dans le ressort de ce territoire, les marins servant à leur bord ne sont plus soumis, en matière de droit du travail, qu'aux règles figurant dans le code du travail de l'outre-mer ;
Considérant que le décret attaqué du 20 mars 1987, relatif à l'immatriculation et à l'armement des navires dans le territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises, a notamment pour objet de permettre d'immatriculer dans le ressort du territoire, à la demande de l'armateur, " ... 1. les navires de commerce, de pêche et de plaisance qui y font une touchée au moins une fois par trimestre et dont l'armement y dispose de son siège ou d'une agence ; 2. Les autres navires appartenant à des classes définies par arrêté ..." ; qu'eu égard en particulier aux conditions auxquelles les dispositions précitées de l'article 3 du décret subordonnent la possibilité qu'ont les armateurs d'immatriculer leurs navires dans ce territoire, le décret attaqué a entendu en réalité modifier les champs d'application respectifs du code du travail maritime et du code du travail de l'outre-mer ; que cette mesure, en vertu des articles 34, 37 et 74 de la Constitution, ne pouvait légalement être édictée par décret ; qu'il suit de là que la Fédération nationale des syndicats maritimes C.G.T. est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation dudit décret, lequel présente un caractère indivisible ;
En ce qui concerne la légalité des arrêtés et de la circulaire attaqués :
Considérant que les quatre arrêtés du 20 mars 1987 et la circulaire du même jour ont été pris pour l'application de certaines dispositions du décret attaqué ou de celui-ci dans son ensemble ; qu'il y a lieu de les annuler par voie de conséquence ;
Sur la requête n° 87 630 :
Considérant que la requête de l'Union maritime C.F.D.T. est dirigée contre le décret du 20 mars 1987, les quatre arrêtés et la circulaire du même jour ; que par la présente décision, le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation de ces actes administratifs ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur ladite requête ;
Article 1er : Le décret du 20 mars 1987, les arrêtés du ministre des départements d'outre-mer et des territoires d'outre-mer et du secrétaire d'Etat à la mer du même jour et la circulaire du même jour des mêmes ministres sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 87 630 de l'Union maritime C.F.D.T.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union maritime C.F.D.T., à la Fédération nationale des syndicats maritimes C.G.T, au Premier ministre, au ministre de l'outre-mer et au ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.