Vu 1°), sous le n° 140408 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 août et 11 décembre 1992, présentés par le président du Comité de tutelle des marchés d'intérêt national ; le Comité de tutelle des marchés d'intérêt national demande au Conseil d'Etat :
a) d'annuler le jugement du 12 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé à la demande du syndicat des négociants en fruits et légumes de gros de Montpellier l'arrêté du 3 mai 1990 du préfet du département de l'Hérault accordant à la SARL Métro une autorisation dérogatoire d'installation dans le périmètre protégé du marché d'intérêt national de Montpellier ;
b) de rejeter la demande présentée par le syndicat des négociants en fruits et légumes en gros de Montpellier devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu 2°), sous le n° 141049 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1992 et 28 décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseild'Etat, présentés pour la société Métro libre-service de gros de Montpellier domiciliée chemin départemental 132 à Montpellier (34000) et la société Métro dont le siège social est ... - ZA du petit Nanterre à Nanterre (92024) ; la société Métro libre-service de gros de Montpellier et la société Métro demandent au Conseil d'Etat :
a) d'annuler le jugement du 12 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande du syndicat des négociants en fruits et légumes en gros de Montpellier annulé l'arrêté du 3 mai 1990 du préfet de l'Hérault accordant à la SARL Métro une autorisation dérogatoire d'installation dans le périmètre protégé du marché d'intérêt national de Montpellier ;
b) de rejeter la demande présentée par le syndicat des négociants en fruits et légumes en gros de Montpellier devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance du 22 septembre 1967 ;
Vu le décret du 10 juillet 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ryziger, avocat de la société Métro libre-service de gros de Montpellier, et de la société Métro,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête du Comité de tutelle des marchés d'intérêt national et celle de la société Métro France et de la société Métro libre-service de gros de Montpellier sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Montpellier ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1er, 4 et 5 de l'ordonnance du 22 septembre 1967, portant modification et codification des règles relatives aux marchés d'intérêt national, un décret en Conseil d'Etat peut instituer autour d'un tel marché un "périmètre de protection" à l'intérieur duquel sera interdit l'extension, le déplacement ou la création de tout établissement dans lequel une personne physique ou morale pratique, à titre autre que de détail, soit des ventes portant sur les produits, soit des opérations accessoires à ces ventes dont les listes sont fixées par arrêté interministériel ; que l'article 8 de la même ordonnance dispose, toutefois, que, "à titre exceptionnel", les ministres de tutelle pourront accorder des dérogations à cette interdiction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que le décret du 10 juillet 1968, fixant les conditions de dérogations aux interdictions destinées à protéger les marchés d'intérêt national, précise, en son article 2, que les dérogations doivent être de nature à "améliorer la productivité de la distribution", et, en son article 6, que le comité de tutelle des marchés d'intérêt national ou, le cas échéant, par délégation, le préfet fixe les conditions auxquelles il accorde la dérogation et "peut en subordonner l'octroi à la conclusion entre le gestionnaire du marché et le bénéficiaire d'une convention par laquelle ce dernier s'engage ... à observer certaines obligations relatives, notamment, aux horaires de vente, au contrôle des transactions, au recensement des quantités et des prix et à se prêter aux vérifications nécessaires" ;
Considérant que l'article 3 du décret n° 65-434 du 8 juin 1965, modifié, portant classement du marché-gare de Montpellier comme marché d'intérêt national, a institué autour de ce marché un périmètre de protection englobant les communes de Montpellier et de Lattes, à l'intérieur duquel l'interdiction prévue par l'article 5 précité de l'ordonnance du 22 septembre 1967, s'applique, en vertu de l'article 1er, 11°, de l'arrêté interministériel du 13 juin 1969, aux fruits, légumes et champignons frais ainsi qu'aux fleurs, feuillages et autres produits non comestibles de l'horticulture ; que, par un arrêté du 3 mai 1990, le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault, agissant par délégation du Comité de tutelle des marchés d'intérêt national, a accordé à la société Métro une dérogation aux règles d'interdiction destinées à protéger le marché d'intérêt national de Montpellier ; que le Comité de tutelle des marchés d'intérêt national, d'une part, la société Métro France et la société libre-service de gros de Montpellier, d'autre part, font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier, faisant droit à la demande dont il avait été saisi par le syndicat des négociants et commissionnaires en fruits et légumes de gros de Montpellier, a annulé pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Considérant que, par une convention conclue le 3 avril 1990 avec la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier, gestionnaire de ce marché, la société Métro libre service de gros de Montpellier s'est engagée, notamment, à effectuer auprès des grossistes et producteurs titulaires d'une autorisation de vente dans le marché d'intérêt national au moins 70 % de ses achats de fruits, tubercules et légumes frais ; que, tant du fait de cette clause d'approvisionnement préférentiel, propre à favoriser l'apport d'une clientèle nouvelle au marché d'intérêt national, dont l'activité, concurrencée par celle de magasins en gros de grande surface implantés en dehors du périmètre protégé, se caractérisait par une baisse de volume des affaires traitées, que des avantages devant découler pour les professionnels de l'alimentation de la gamme étendue des produits offerts par l'établissement de la société Métro libre-service de gros de Montpellier, de ses larges horaires d'ouverture et de ses conditions et méthodes particulières de vente et de délivrance des marchandises, le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'octroi à cette société de la dérogation qu'elle avait sollicitée, avec l'avis favorable du président de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier, serait de nature à améliorer la productivité de la distribution locale en gros des fruits, tubercules et légumes frais ; que c'est, par suite, à tort que, pour annuler l'arrêté du préfet, le tribunal administratif de Montpellier a retenu comme motif, non surabondant, que l'autorisation accordée ne satisfaisait pas à cette condition ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de sa demande depremière instance par le syndicat des négociants et commissionnaires en fruits et primeurs de gros de Montpellier ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret déjà cité du 10 juillet 1968 : "Toute demande de dérogation est adressée au gestionnaire du marché qui doit la transmettre avec avis motivé et sous quinzaine au préfet du département sur le territoire duquel est implanté le marché" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de dérogation présentée le 22 mars 1990 par la société Métro au président de la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Montpellier a été transmise par ce dernier, avec avis favorable motivé, au préfet de l'Hérault le 6 avril 1990 ; qu'ainsi les formes prescrites par l'article 3 du décret du 10 juillet 1968 ont été respectées ; que le fait que le syndicat des négociants et commissionnaires en fruits et primeurs de gros de Montpellier ait donné un avis défavorable à la convention ci-dessus mentionnée du 3 avril 1990 est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, que, selon l'article 2 du décret du 10 juillet 1968 : "Les dérogations sont accordées à titre individuel ... Les installations qu'elles concernent doivent être satisfaisantes du point de vue de l'urbanisme, de l'hygiène et de la sécurité" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la construction de l'établissement que la société Métro a demandé l'autorisation d'implanter dans le périmètre protégé du marché d'intérêt national de Montpellier a fait l'objet d'un permis de construire délivré sur avis favorable du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ; qu'ainsi, les conditions posées par l'article 2 précité ont été satisfaites ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 6 du décret du 10 juillet 1968 prévoit que la validité de la dérogation ne peut excéder un délai de vingt ans, mais peut être renouvelée ; qu'en fixant à cinq ans la durée de validité de la dérogation accordée à la société Métro et en précisant que celle-ci pourrait être renouvelée sur nouvelle demande de la société, le préfet n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant, enfin qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 : "Doivent ... être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement" ; que l'arrêté attaqué du 3 mai 1990, qui vise la convention conclue le 3 avril 1990 entre la société Métro libre-service de gros de Montpellier et la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Montpellier, indique ainsi que le préfet a entendu subordonner la dérogation accordée au respect des engagements pris dans cette convention ; que cette motivation était suffisante au regard des prescriptions de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Comité de tutelle des marchés d'intérêt national, la société Métro France et la société Métro libre-service de gros de Montpellier sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté préfectoral du 3 mai 1990 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juin 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le syndicat des négociants et commissionnaires en fruits et primeurs de Montpellier devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Comité de tutelle des marchés d'intérêt national, à la société Métro libre-service de gros de Montpellier, à la société Métro, au syndicat des négociants et commissionnaires de fruits et primeurs de Montpellier et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.