Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier 1990 et 9 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques X..., demeurant PK 30, côté mer, à Papara (Polynésie française) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Papeete, statuant sur un recours en appréciation de validité de M. X..., agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 26 janvier 1989, a déclaré, d'une part, que la délibération n° 85/1000 AT du 10 janvier 1985 de la commission permanente de l'assemblée territoriale de la Polynésie française portant création de services dénommés "cabinets" auprès du président et des membres du gouvernement de la Polynésie française n'était pas entachée d'illégalité et, d'autre part, que l'arrêté en conseil des ministres n° 131/CM du 19 février 1985 du président du gouvernement de la Polynésie française relatif au régime général des personnels des services dénommés "cabinets" n'était pas entaché d'illégalité ;
2°) de déclarer que cette délibération et cet arrêté sont entachés d'illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;
Vu la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail, et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Simon-Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. X... et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. le président de l'assemblée territoriale de Polynésie française,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du territoire :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 6 septembre 1984 susvisée portant statut du territoire de la Polynésie française : "Les autorités du territoire sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas réservées à l'Etat en vertu des dispositions de l'article 3 de la présente loi" ; que la détermination, par l'arrêté dont la légalité est contestée, du régime général d'emploi et de rémunération applicable aux personnels des services dénommés "cabinets" et placés auprès du président et des ministres du gouvernement du territoire, n'entre dans aucune des matières réservées à l'Etat par l'article 3 de ladite loi ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article 8 dudit arrêté, en vertu desquelles le manque de confiance allégué ou la fin des fonctions du président du gouvernement ou du ministre peuvent constituer des motifs légitimes de résiliation du contrat de travail des membres des cabinets, n'affectent pas les principes généraux du droit du travail dont la définition est réservée à l'Etat par l'article 3-12° de ladite loi ;
Sur la compétence au sein des autorités du territoire, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 62 de la loi du 6 septembre 1984 susvisée : "Toutes les matières qui sont de la compétence du territoire relèvent de l'assemblée territoriale, à l'exception de celles qui sont attribuées par la présente loi au conseil des ministres du territoire ou au président du gouvernement du territoire" ; qu'aucune disposition de ladite loi ne donne compétence au conseil des ministres du territoire ou au président du gouvernement du territoire pour prendre des actes réglementaires relatifs au régime général, aux rémunérations ou aux indemnités d'une catégorie de personnels du territoire ni n'autorise l'assemblée territoriale ou sa commission permanente à leur déléguer cette compétence ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté ses conclusions tendant à ce que soient déclarés illégaux la délibération de la commission permanente de l'assemblée territoriale de la Polynésie française en date du 10 janvier 1985 portant création de services dénommés "cabinets" auprès du président et des membres du gouvernement de la Polynésie française, et l'arrêté du conseil des ministres du président du gouvernement de la Polynésie française en date du 19 février 1985 fixant, en application de ladite délibération, le régime général d'emploi et de rémunération des personnels desdits services ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 7 novembre 1989 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant à ce que la délibération de la commission permanente de l'assemblée territoriale en date du 10 janvier 1985 et l'arrêté en conseil des ministres du président du gouvernement du territoire de la Polynésie française en date du 19 février 1985 soient déclarés illégaux
Article 2 : Il est déclaré que la délibération de la commission permanente de l'assemblée territoriale en date du 10 janvier 1985 et l'arrêté en conseil des ministres du président du gouvernement du territoire de la Polynésie française en date du 19 février 1985 sont entachés d'illégalité.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques X..., au président du gouvernement du territoire de la Polynésie française, au président de l'assemblée territoriale de la Polynésie française et au ministre de l'outre-mer.