Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Nathalie X..., demeurant Centre commercial de la rue du Jura à Macornay (39570) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 7 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de Mme Z... et Mme A..., annulé l'arrêté du 10 septembre 1991 par lequel le préfet du Jura l'a autorisée à ouvrir par voie normale une officine de pharmacie à Macornay ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme Z... et Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon ;
3°) de condamner Mme Z... et Mme A... à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, notamment l'article L.571 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Faure, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme Nathalie X..., et de Me Blondel, avocat de Mme Chantal Z... et de Mme A...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.571 du code de la santé publique : "une création d'officine peut toutefois être accordée dans une commune dépourvue d'officine et d'une population inférieure à 2 000 habitants lorsqu'il sera justifié que cette commune constitue pour la population des localités avoisinantes un centre d'approvisionnement, sous réserve que l'officine à créer et les officines voisines déjà existantes puissent être assurées chacune d'un minimum de 2 000 habitants à desservir" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Macornay comporte plusieurs commerces, un bureau de poste et un cabinet médical, est distante de 5 km de l'agglomération de Lons-le-Saulnier au Nord et dessert, par sa position géographique, un ensemble de petites communes situées au Sud et au Sud-Est ; qu'ainsi elle constitue un centre d'approvisionnement pour la population des localités avoisinantes ; que par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en date du 10 septembre 1991 du préfet du Jura accordant à Mme X... l'autorisation d'ouvrir une officine à Macornay, le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur ce que cette commune ne constituerait pas un centre d'approvisionnement au sens de la disposition précitée de l'article L.571 du code de la santé publique ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de première instance de Mme Z... et Mme A... ;
Considérant que la circonstance qu'une demande d'autorisation présentée par Mme X... sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L.571 du code de la santé publique ait été antérieurement rejetée par le préfet n'interdisait pas à celui-ci d'accorder une autorisation d'ouverture sur la base du troisième alinéa de cet article ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison de la configuration des lieux, la plus grande partie de la population des communes situées à proximité de Macornay ou à moins d'une dizaine de kilomètres au Sud ou au Sud-Est de Macornay, soit près de 2 000 habitants, s'approvisionnera dans l'officine dont la création a été autorisée par le préfet ; qu'ainsi, bien que la commune de Macornay ne compte que 780 habitants, cette officine doit être regardée comme assurée d'un minimum de 2 000 habitants à desservir ; que la création de la nouvelle officine n'aura pas pour effet de ramener à moins de 2 000 le nombre des habitants à desservir par chacune des pharmacies existantes, notamment celle de Messia et celle de Montmorot ; qu'ainsi, en accordant l'autorisation sollicitée, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L.571 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondéeà soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet du Jura ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.75-I de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de condamner Mme Z... et Mme A... à verser, chacune, à Y... GAUTHIER 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du 7 octobre 1993 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Z... et Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : Mme Z... et Mme A... verseront chacune 5 000 F à Mme X... au titre de l'article L.75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Nathalie X..., à Mme Chantal Z..., à Mme A... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.