Vu 1°) sous le n° 145441 la requête et le mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 18 février et 28 mai 1993 présentées par la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY, dont le siège est "Les Palis", route de Sens à Poligny (77167), dûment représentée par ses représentants légaux ; la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 4 octobre 1991 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a autorisée à procéder à des coupes de taillis sur les parcelles cadastrées A 322, 383, 384, 386, 387 et 388 de la commune de Poligny ;
Vu 2°) sous le n° 145537 le recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 février 1993 présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 4 octobre 1991 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société civile immobilière du Golf de Poligny à procéder à des coupes de taillis sur les parcelles cadastrées A 322 et A382 à 388 de la commune de Poligny ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ; Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY, - les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 145441 introduites par la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY et n° 145537 émanant du ministre de l'agriculture et de la forêt sont dirigées contre le même jugement en date du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal de Versailles a annulé l'arrêté du 4 octobre 1991 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY à procéder à des coupes de taillis sur les parcelles cadastrées A 322 et A 382 à A 388 de la commune de Poligny ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la fin de non recevoir opposée aux demandes de première instance :
Considérant qu'eu égard tant à leur objet qui concerne respectivement la protection de l'ensemble du massif forestier auquel appartient la forêt de Fontainebleau et la protection des sites environnants la vallée du Loing, qu'à la portée de l'arrêté préfectoral du 4 octobre 1991 portant autorisation administrative de coupe de bois sur la commune de Poligny, l'association de défense de la vallée du Loing et des sites environnants ainsi que l'association des amis de la forêt de Fontainebleau ont intérêt à se pourvoir contre ledit arrêté ;
Sur les conclusions de la requête relatives à l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 4 octobre 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code forestier "les opérations volontaires avant pour conséquence d'entraîner à terme la destruction de l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière sont assimilées à un défrichement et soumises à autorisation" ;
Considérant que, par une demande datée du 6 mai 1991, M. X..., gérant de la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY a sollicité une autorisation de coupe de bois portant sur une surface de 23,9 hectares et ayant pour objectif une "éclaircie et coupe rase dans les zones de taillis simples" avec une exploitation de la coupe portant sur un volume total de bois équivalent au volume en mètres cubes réels sur pied des arbres existants, branchage compris ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la circonstance qu'une demande d'agrément d'un plan de gestion simple présenté le même jour par M. X... pour le massif forestier classé de 89 hectares, appartenant à la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY, fait apparaître que le périmètre de la coupe dont il s'agit reproduisait exactement celui d'un parcours du golf projeté par ladite société ; que la coupe faisant l'objet de l'autorisation contestée était de nature à menacer la destination forestière des parcelles ; qu'elle avait ainsi le caractère d'une opération assimilée à un défrichement au sens de l'article L. 311-1 précitée du code forestier ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : "le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ... il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue à l'article L. 311-1 du code forestier précité" ; que, par suite, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait légalement autoriser une coupe de bois assimilée à un défrichement de parcelles de bois classées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY et le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 4 octobre 1991 autorisant la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY à procéder à des coupes de bois sur la commune de Poligny ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'association des Amis de la forêt de Fontainebleau et l'association de défense de la vallée du Loing qui ne sont pas la partie perdante versent à la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY les sommes de 12.000 F et 3.000 F qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY à payer à ces deux associations la somme de 8000 F au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes n° 145411 et 145537 de la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY et du ministre de l'agriculture et de la forêt sont rejetées.
Article 2 : La société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY versera à l'association des amis de Fontainebleau et à l'association de défense de la vallée du Loing une somme globale de 8000 F au titre de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière du GOLF DE POLIGNY, à l'association de défense de la vallée du Loing, à l'association des amis de la forêt.